Alors que le Grenelle de l’environnement avait pu laisser entrevoir la possibilité d’un infléchissement de la culture publicitaire française, 2009 a confirmé qu’il n’en était rien. La profession a réussi à mettre en place un écran de fumée, dans le seul et unique but de poursuivre comme avant : manipulations, mensonges, greenwashing, fausses promesses.
Le rapport d’activité 2009 de l’ARPP, l’organisme d’auto-régulation publicitaire, est sorti le 8 juin dernier, présentant un panorama où tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes consuméristes. D’ailleurs, il n’y a plus d’auto-régulation, mais une « auto-régulation concertée ». Il est important de ne pas laisser penser que cela soit un reflet fidèle de la réalité, et comme personne ne l’a dénoncé, je m’y colle. Difficile même de savoir par où commencer, tellement ce rapport est un tissu de contre-vérités. Alors j’ai choisi la manière ludique. Jouons un peu avec l’ARPP.
Jeu n°1 : calcul mental
Page 7 du rapport, le tableau vantant l’efficacité de l’auto-régulation est très intéressant. Des chiffres, des chiffres. Bien, mais que cachent-ils ?
« Déontologie : 5 nouveaux Codes publiés »
Premier calcul : reprendre tous les codes de l’ARPP, combien y en a-t-il ? Pour moi, 41 actifs, plus 3 fiches de doctrine. Second calcul : combien de temps par campagne faudrait-il passer pour consulter tous les codes applicables ? Trop virgule 5 ? Bonne réponse. Vous en tirez les conclusions que vous voulez.
« Accompagnement avant diffusion : 35762 avis et conseils délivrés »
Quelle activité ! Bravo. Non ? Voyons voir. Troisième calcul : sachant qu’il y a actuellement 10 juristes, en considérant qu’ils travaillent 47 semaines par an, 35 heures par semaine, sans jamais s’arrêter une seule seconde, combien de temps en moyenne est dévolu à chaque avis ou conseil ? Selon moi, moins d’une demi-heure. Est-ce suffisant pour seulement prendre connaissance des spécificités de chaque cas ? À vous de conclure.
« Activité des instances associées : 4 avis du CEP, 4 avis du CPP »
Magnifique, on jurerait qu’ils sont sommés de produire un avis tous les 3 mois. Quatrième calcul : quantifier l’impact de ces avis sur les comportements des publicitaires. Si vous ne trouvez pas, ce n’est pas grave. Vous êtes dans le même cas que moi. Cinquième calcul : combien d’avis du CEP en 2008, et du CPP en 2010 ?
« Traitement des plaintes : 36 décisions publiées, 25 manquements constatés »
36, c’est beaucoup. Beaucoup ? Par rapport à quoi ? Au fait, sixième calcul : combien de plaintes au Jury de déontologie publicitaire dans une période équivalente ? 495 pour 371 campagnes ? Alors, 36 décisions, c’est encore beaucoup ?
« Bilan d’application : 4 bilans réalisés, taux de manquement maximum = 4% »
Septième calcul, en plusieurs parties : pour le bilan « Publicité et diversité », y a-t-il un taux de manquement ? Au vu de mon analyse, le taux du bilan « Publicité et environnement » est-il plausible ? Le bilan « Publicité et langue française » est-il un bilan important ? Ces bilans couvrent-ils chacun une année entière ? Et surtout, représentent-ils tous les manquements possibles en publicité et en communication ?
Jeu n°2 : décrypte la langue de bois, et joue au vrai ou faux
Jeu très simple : vérifier la crédibilité de ces quelques citations tirées du rapport de l’ARPP. Vrai ou faux ? Vous aurez des indices…
P.3 : « régulation professionnelle concertée ». Indice : les ONG ont un rôle de conseil, et elles sont très peu nombreuses.
p.3 : « Avec un nouveau nom et de nouvelles instances associées, l’ARPP s’est crédibilisée ». Indice : en passant de la tristement célèbre Cogema à Areva, le groupe nucléaire s’était lui aussi crédibilisé.
P.3 : « 2009 a prouvé que le nouveau système fonctionnait ». Indice : pas du tout.
p.3, à propos des réglementations, la publicité serait « un secteur qui en connaît déjà beaucoup ». Indice : on parle d’auto-régulation.
p.3 : « le fonctionnement efficace et impartial du Jury de déontologie publicitaire ». Indice : si vous lisez régulièrement mes posts, vous n’avez pas besoin d’indice pour comprendre à quel point cette phrase est un mensonge.
p.9 : « les associations ». Indice : combien ?
p.14, à propos du JDP : « il constitue une vraie contrainte supplémentaire ». Indice : la seule sanction est la publication sur un site que personne ne visite.
Et ainsi de suite… Ce rapport atteint le summum de la mauvaise foi. Ce n’est que la conséquence logique du système d’auto-contrôle. Qui nous garantit que le rapport de l’ARPP est conforme à la vérité ? Personne, sauf l’ARPP. L’auto-régulation ne pouvait que s’auto-juger. Plus comique encore, Jean-Pierre Teyssier quitte la présidence de l’ARPP, atteint par une limite d’âge… qu’il s’est lui-même fixée. Son successeur aura-t-il un sursaut de lucidité, comprendra-t-il que l’auto-régulation est la pire chose pour la communication dans son ensemble ?
Crédit photo : Andrew, sur Flickr, image mise à disposition sous un contrat Creative Commons by.
Sur proposition de France Nature Environnement, la loi Grenelle II donne les moyens juridiques aux associations agréées de protection de l’environnement de se constituer partie civile pour des publicités et pratiques commerciales douteuses comportant des indications environnementales. Outil clé qui leur permettra de lutter contre le greenwashing pour les publicités postérieures au 13 juillet 2010.
Merci pour votre commentaire, M. Léost. J’ai effectivement vu cela passer cet été.
Que faut-il en attendre ? Une avalanche d’actions en justice par les associations ? Cela changerait considérablement la donne ! Rassurez-moi, il y a un truc ? Des restrictions telles que cela ne puisse arriver que très rarement ? Des dossiers interminables ? La charge de la preuve scientifique du mensonge ? (Je cherche, je cherche, attendons de voir dans les faits)