J’ai lu avec beaucoup d’attention et de plaisir le numéro 1 de Terraeco, Le magazine du développement durable (mars 2009). En fait de nouvelle publication, il s’agit plutôt d’un nouveau mode de diffusion, Terra Economica étant présent sur la toile depuis 5 ans, et ayant décidé de passer à l’étape supérieure : le kiosque à journaux.
Le aaah
Il est réjouissant de constater qu’un magazine a été conçu pour soi, ou plus précisément qu’on se trouve être le cœur de cible d’un magazine. Dit dans les mots de Walter Bouvais, directeur de la publication :
Notre ligne directrice est tracée : nous ne nous sentons pas coupables de vivre comme on nous l’a appris, mais nous avons le devoir et le pouvoir de changer le monde, maintenant, pour nous et pour ceux qui viennent.
Enfin un magazine du développement durable, autant orienté citoyen que professionnel, qui ne soit pas bisounours tout en ne se cachant pas derrière son petit doigt ! Terra eco, un magazine à recommander chaudement, donc. J’ai particulièrement apprécié le dossier sur la voiture verte qui met beaucoup de temps à démarrer, sur la non-percée du bio dans les cantines scolaires, et sur la communication plus ou moins bien huilée de McDo (dans l’indispensable rubrique ‘Le Marketing expliqué à ma Mère’), sans oublier la marquante campagne de la Surfrider Foundation.
Le grrr
L’un des articles phares de ce numéro 1 détaille « le projet Terra responsable ». Fin du second paragraphe : « Les publicités affichées dans le journal doivent répondre à une charte éthique. » Je ferme le magazine. Je l’ouvre à nouveau, et en page 2, que vois-je ? Une jolie publicité de GDF, réalisée par l’agence Australie. Le message : « Découvrez la première offre électricité et gaz naturel 100% engagée pour l’environnement ».
Qu’est-ce que je reproche à cette insertion ? D’abord, le « surimi écolo ». Ça a l’air d’un message écolo, ça a le goût d’un message écolo, ça reprend les codes des messages écolo, mais ce n’est pas écolo ! Des pourcentages, on en trouve à la pelle, parce que quand on parle environnement, il faut des chiffres. Mais sont-ils pertinents ? Il faudra quand même que l’on m’explique ce que peut être une offre 98% engagée pour l’environnement, ou 50% compensée carbone. Le message est prétendument écolo, alors qu’il n’en est rien. Une fois décryptée (merci les mentions écrites tout petit en bas de page…), l’offre qui promet de l’énergie associant l’hydraulique et le compensé carbone consiste réellement en un engagement de GDF à acheter l’équivalent de la consommation du client en électricité hydraulique, et à faire acheter par le client des unités de réduction d’émission carbone. Derrière, c’est une fourniture de gaz naturel tout ce qu’il y a de plus classique. Résultat des courses : une pub 100% greenwashing, qui essaie de faire passer une énergie fossile comme bénéfique à l’environnement. D’où le grrr, comme dans regrrret.
Cette pub ne me surprend pas, elle est en droite ligne avec la stratégie de communication de GDF-Suez, un des champions toutes catégories du greenwashing. Ce qui m’étonne, c’est que la charte éthique de Terra economica laisse passer un tel message. Ou plutôt que la charte en question soit autant bafouée (sur 4 points, à ma connaissance, 3 sont en cause). Cela ne m’empêchera pas d’attendre le prochain Terraeco avec impatience, mais c’est un petit accroc sur le rebord de la veste, un accident de parcours. Je ne doute pas que Terra eco puisse remplir toutes ses pages publicitaires de messages conformes à leur charte. C’est un bon exemple de la vigilance qu’il faut conserver à tout moment quand on se positionne comme responsable.
Sur le Grr :
c est un peu comme quand Georges Cloney (ou qq un d autre, Brat Pitt ?) accepte de venir à l anniv’ du fils du sultan de xxx, un lieu anti-démocratique, et sans aucune politique environnementale (huile de palme à gogo, ou explusion des paysans pour faire de l exploitation pétrolière, ou…)
ben… celà ne me gène PAS DU TOUT.
Prendre l argent de ce sultan ou de GDF, c est bien pour moi.
Il ne font pas comme total, en birmanie, en soutenant les actions de ce sultan ou de cette junte (en le finançant), mais en lui enlevant une partie de son pouvoir financier.
Ce qui compte, c est A QUOI va servir cet argent, APRES (à quoi georges cloney ou terra eco va s en servir).
A la limite, ce qui me gène, c est la charte de Terra Eco :
seuls les gens bien ont le droits de payer ?
Qu’ils « offrent » de reportages, des pages d informations a des sites bien (ceux dont ils acceptent officiellement la pub), à des initiatives ecolo,
et fassent payer d autres pages, clairement itentifiées comme étant de la pub, pourquoi pas,
s’ils réussissent à garder leur ligne éditoriale, et à ne pas avoir leurs enquêtes et non-enquêtes influencées par leurs annonceurs.
(l idéal serait que la revue s auto-finance par les ventes, sans pub…
mais, si ce n est pas le cas, alors autant prendre de l argent de ceux prêt à payer, et en ayant les moyens)
Bonjour Jean-Marc, et désolé pour la validation tardive de votre commentaire.
Et quel commentaire ! Nous ne sommes pas sur la même longueur d’ondes, c’est le moins que l’on puisse dire. Questions : est-ce vraiment enlever à l’annonceur (ou au mécène) une partie de son pouvoir financier ? Pourquoi alors les plus grandes entreprises sont-elles aussi celles qui font le plus de publicité ? Est-ce qu’elles y perdent ou est-ce au contraire très rentable ? N’est-ce pas leur offrir une tribune, valider leur discours et leur permettre de se servir de la crédibilité du média ?
Et puis, la présence de publicité dans un titre de presse peut facilement mener à des pressions sur la ligne éditoriale, ne soyons pas naïfs. Cela peut prendre de nombreuses formes, dont la plus répandue et la plus efficace est l’auto-censure. Regardez Néoplanète, c’est l’exemple parfait d’un titre qui perd toute crédibilité parce qu’il veut être « attirant » pour les annonceurs. Sa série d’articles sur Coca-Cola quand cette entreprise achète des pages de pub et finance un concours de « design écolo », comment y croire ? Quand on parle de développement durable comme Terra Eco, il me paraît important de ne pas laisser la moindre possibilité de conflit d’intérêt avec des entreprises du XXème siècle, qui n’ont aucunement intégré les 3 piliers du développement durable.
Je ne suis pas non plus naïf, je sais qu’il faut bien vivre. Ce que je dis, c’est qu’il faut arriver à trouver un équilibre entre l’argent, la liberté d’action et la clarté par rapport au lecteur. En ayant les trois à la fois. Et c’est possible.
Merci d’avoir déterré ce vieux post des recoins poussiéreux du blog ! Il me donne aussi l’occasion de dire que si Terra Eco avait un peu supprimé le grrr, on y est un peu revenus ces derniers numéros… surtout le dernier…