Une note à l’intention de ceux qui savent. Peu importe comment nous nous appelons, nous ou ce que nous défendons. Écologie, environnement, développement durable (avec ses trois piliers ou pas), RSE, commerce équitable, bio, énergies renouvelables, économie sociale et solidaire, décroissance ou green business, communication responsable… Nous qui avons pleinement conscience de l’urgence écologique, de l’absurdité de nos modes de consommation. Nous qui cherchons à faire différemment, quelle qu’en soit la motivation. Nous qui cherchons à donner du sens à notre vie professionnelle, qui cherchons à donner un autre visage à l’entreprise. Et si nous nous trompions de démarche ?
Certitude contre certitude
Une fois que l’on a intégré ce changement, difficile de n’en faire qu’un positionnement passager ou superficiel. Notre vision du monde, notre façon de travailler, de consommer, de vivre en sont affectés ; c’est le fameux « changement de paradigme ». Pour la plupart, qui vivent cela avec sincérité, nous sommes intimement persuadés du bien fondé de notre démarche. Mais en face, les tenants de l’économie « traditionnelle », qu’ils en soient acteurs ou consommateurs, sont souvent autant accrochés à leurs convictions. Certitude contre certitude, aller frontalement prétendre que nous avons la vérité n’est peut-être pas la meilleure base pour un échange positif.
Autrement dit : prenons-nous le bon chemin pour convaincre le grand public de la plus-value de nos produits ou de nos services ? Savons-nous rendre cette plus-value attractive ? Les labels sont des bons indicateurs pour nous, mais ils ont sont rarement des garanties absolues (labels confus, bidons, ou contournables), et surtout leur grand inconvénient est de cliver. Vous ne mangez pas bio ? Quels irresponsables ! Vous n’utilisez pas de bois FSC ? Vous êtes nuls !… Pour les convaincus, c’est très bien. Et encore. Mais pour les autres, l’immense majorité ?
Comment faire passer le message ?
Le développement durable est arrivé sur le devant de la scène, dans les médias de masse, vers 2006. Depuis, la bataille des idées est en passe d’être gagnée… mais côté changements de comportements, on est encore loin, très loin du compte. Bien sûr, le greenwashing n’aide pas. Le contexte politique non plus. Mais n’y a-t-il pas aussi une incapacité de notre part à faire adhérer massivement à ce en quoi nous croyons ?
On a tellement usé et abusé du sujet que le côté écolo, vert, durable d’un produit ou d’un service n’est plus que rarement un argument efficace. En tout cas, utilisé seul, il n’est pas suffisant. Et pourquoi se priver d’en parler autrement, car neuf fois sur dix, la plus-value est plus profonde, plus essentielle ! Un légume bio intéresse les militants parce qu’il est bio, il devrait concerner tout le monde, parce qu’il est meilleur. Idem pour un meuble en FSC, avant d’avoir la certification FSC, il doit surtout être beau et fonctionnel. Chez le producteur, il y a le plus souvent des histoires qui méritent d’être racontées. Il y a mille et une façons d’en parler en évitant les images d’Épinal.
Sachons douter !
Entendons-nous bien. Ceci n’est ni une faiblesse passagère, ni un doute plus profond. Bien sûr, je me suis rendu maintes fois coupable de ces errances, mais c’est en faisant des erreurs que l’on apprend. Je ne parle que de trouver les meilleurs moyens de générer de l’empathie, et il me semble que nous sommes souvent un peu trop sûrs de détenir LA vérité. Il ne faut pas avoir peur d’en douter. Ce doute est au contraire une force. Nous, à la différence d’autres, sommes capables de remises en question, d’examiner les problématiques sous des angles différents, ce qui ne peut être que source de créativité. Bossons nos réponses, communiquons de manière responsable… en sachant manier avec précaution les arguments-massues. Et puis, ces doutes ne sont-ils pas une bonne manière d’établir le contact sans stigmatiser, et d’accompagner notre interlocuteur dans son cheminement vers nos solutions ?
Crédit photo : walknboston, sur Flickr, image mise à disposition sous un contrat Creative Commons by.
Si je t’entends bien, il faudrait communiquer sur deux plans. Au premier plan, les vertus attendus de l’objet (beauté, fonctionnalité, nouveauté, …) et en arrière plan, simplement rappeler que cet objet est éthique.
Moi je suis pour.
Et tu connais ma position sur les labels. Bien pratiques dans un monde déshumanisé… S’agirait aussi de réhumaniser ce monde.
Salutations !
Merci pour ton soutien, Baptiste !
Oui, c’est bien ce que je préconise. Après, cela dépend de l’entreprise. Pour un pure player, comme par exemple eco-SAPIENS (au hasard), difficile de ne pas parler d’éthique, c’est le cœur du projet. Quoique… si la cible n’est pas forcément les militants, ça se discute.
Réhumaniser le monde, c’est aussi un des axes de la communication responsable. D’autres appellent cela « l’imaginaire vrai »…
Bonjour Yonnel,
Il est juste de douter !
J’ai fait de la communication sur le développement durable de 1984 à 2007, avec à peu près les mêmes résultats que vous-mêmes constatez aujourd’hui. La communication dite responsable – j’ai essayé aussi en vain d’en faire mon métier – ne concerne que quelques centaines de sociétés (300) qui se voient obligées de faire du reporting RSE (à partir du 2017), alors que le nombre de consultants ou entreprises de consulting en la matière est d’ores et déjà nettement supérieur à la demande future.
Selon les statistiques, les entreprises et les institutions sont responsables à 80 % des émissions de CO2. Il en va de même pour d’autres domaines comme la biodiversité, par exemple. La marge de manœuvre de consommateurs et d’électeurs (grand public) est donc faible pour opérer un changement ; beaucoup de gens, notamment de ma génération, qui ont déjà fait le maximum pour se comporter d’une manière responsable, sont donc usées par cette communication plutôt culpabilisante.
Bon courage tout de même
Barbara
Bonjour Barbara, et grand merci pour votre réaction.
La communication responsable que je pratique ne concerne pas que les entreprises cotées, obligées de faire du reporting RSE (et qui sont hors d’atteinte pour moi). Non, elle concerne plutôt soit les PME spécialisées qui ont fait de la RSE un élément central de leur activité, soit celles qui veulent l’intégrer, et qui souvent préfèrent ne pas en parler plutôt que de passer pour des opportunistes. Et ces entreprises-là sont nombreuses et variées.
Mais je vous rejoins pour dire que le côté culpabilisant de la communication RSE est à éviter. C’était tout le but de cet article.