Les contes de Noël doivent-ils tous être des fadaises pleines d’illusions ? Ou alors faut-il s’y abandonner, et nous laisser aller à suspendre temporairement notre incrédulité (merci Coleridge) ? Cette année, le conte de Noël vient de Grande-Bretagne, et il est très rock.
Le pitch : grand affrontement entre un tube annoncé et un vieil hymne rock ; des larmes, de l’adrénaline, du scandale. En Grande-Bretagne, X factor tient la même place que la Star Ac’ pour nous. Celle de l’émission où l’on ressasse à n’en plus finir la même musique formatée et insipide, déjà entendue mille fois.
Le malheureux qui a remporté l’édition 2009, Joe McElderry, a ainsi eu le droit de sortir son disque. Un navet sans nom, évidemment. Bien marketé, bien publicisé, bon plan médias, donc futur numéro 1 de Noël, une distinction hyper-institutionnelle outre-Manche. Ça, c’est la pub classique, bien massive, nickel côté efficacité brute, mais qui mise sur un plus petit dénominateur commun, une sorte de pis-aller musical. Aucune originalité, aucune créativité, aucun risque.
J’ai encore un peu 15 ans
Dans le coin opposé, les challengers. Deux Londoniens, Jon et Tracy Morter, en ont assez de X factor, et veulent envoyer un message à l’industrie du disque. Leurs moyens ? Une chanson de rébellion et… un abonnement internet. Un compte Facebook, un groupe, et c’est parti, sus à l’industrie et ses millions. Ça, c’est la pub d’aujourd’hui. N’importe qui peut changer la donne, et empêcher une grosse machine d’arriver à ses fins. Maintenant, on sait que X factor a beaucoup d’ennemis.
Le morceau choisi est « Killing in the name », de Rage Against The Machine. Ça donne ça :
Ce morceau remonte à 1992. En 1992, je suis au lycée, j’écoute déjà jazz, classique et blues, mais l’essentiel est du gros rock. Le look va avec, cheveux longs, blousons courts, santiags. Sur les étiquettes de mes cassettes audio, on peut lire Nirvana, Pearl Jam, Soundgarden, Joe Satriani, Metallica (le black album), les Red Hot, AC/DC, Noir dés’, Toto (Kingdom of desire, surprenant), Extreme (leur prestation au concert hommage à Freddie Mercury, inoubliable)… et Rage Against The Machine, qui me file des frissons à chaque écoute. Une vraie rage, une rebellion, une énergie, avec derrière un discours subversif et libérateur. En 1992, je suis déjà bassiste, et je joue du Rage avec mon groupe. On adorait jouer « Take the power back », et surtout « Killing in the name ». Pour la pure puissance et l’adrénaline que ce morceau dégage.
Résultat des courses : plus de 900 000 membres sur le groupe Facebook. Et le numéro 1 de Noël fut bien sûr… Rage, avec 50 000 exemplaires d’avance. Finalement, j’ai encore un peu 15 ans. Je vibre, j’ai envie d’y croire, d’autant que je n’ai pas oublié une note de cet album que je n’avais pas écouté depuis 15 ans.
Je n’ai plus 15 ans
Mais voilà, les contes de Noël, les histoires des bons rockers qui font la nique aux méchants vendeurs de guimauve, j’ai de plus en plus de mal à y croire. Déformation professionnelle, je remets tout en question, j’essaie d’aller plus loin que les évidences. Le nœud du problème : le machin X factor est chez Sony, et RATM est signé sur le label Epic. Et Epic est propriété de… Sony. Aïe. Comme le suggère Guy Birenbaum sur Europe 1, s’agit-il d’un coup monté par la maison de disques pour mettre un peu de piquant dans un X factor à bout de souffle tout en continuant à gagner sur les deux tableaux ?
Cette explication ne me satisfait pas pleinement. D’un côté, il est bien difficile d’échapper aux 4 grands labels, et pour atteindre 500 000 ventes en quelques semaines, il fallait un titre déjà un minimum connu, donc presque forcément être distribué par un gros label. Que ça tombe sur le même, c’est juste pas de bol. Et puis… ce serait un peu présumer des capacités et de Sony et des 2 internautes rebelles que de leur prêter des intentions réellement élaborées. Que Sony y gagne n’est finalement pas important. L’important était que X factor ne soit pas numéro 1, et y perde des plumes. Et même si c’est réussi, rien n’est jamais lisse, sauf dans les contes de Noël…
Crédit photo : rick, sur Flickr, image mise à disposition sous un contrat Creative Commons by.
Me dis pas que tu écoutes encore des trucs comme ça??? Tu veux faire fuir les entreprises, ou quoi?
Je me souviens de jeans rouges, masi enfin, on ne va pas le crier sur tous les toits, hein?
Ah, on se connaît ? Un pote de lycée, sûrement ? Parce que le coup des fameux jeans, ça ne s’invente pas !!! 😎
Alors, si tu veux bien, quelques précisions : je ne mets plus de jeans rouges (ouf !). J’ai réécouté RATM deux fois, pour m’apercevoir avec stupeur que je n’avais rien oublié. Et pour les entreprises : ils ont devant eux quelqu’un qui assume tout ce qu’il a été, même 15 ans avant. Ces petites errances ne sont pas un problème, ce sont des richesses. C’est aussi le témoignage d’une ouverture d’esprit dont j’ai la faiblesse de croire qu’elle est supérieure à la moyenne. La musique est un bon exemple : j’écoute du jazz, du classique, du rock (spécialement le rock britannique de la dernière décennie, de Stereophonics à Franz Ferdinand), du blues, du reggae, de la chanson française, pourquoi pas un peu de pop… bref : éclectisme, curiosité, recherche de l’excellence. 😉