Ce week-end, une étudiante en communication (mille mercis, Juliette !) m’a posé une question très pertinente. Elle se demandait « si la démarche de communication responsable était un buzz ou réellement une philosophie de la part du communicant qui mettra en œuvre sa campagne X ». Depuis quelques mois, on parle de plus en plus de communication responsable ; beaucoup s’en revendiquent, c’est dans l’air du temps. Voici ma réponse à sa question, revue et augmentée. Alors, buzz ou philosophie ?
Le pipeau produit un son proche du buzz
Ce buzz existe. Quelle en est la cause ? Elle est à rechercher dans le contexte politique et économique de ces vingt dernières années. Depuis la chute du mur de Berlin, la mondialisation économique s’est réalisée, les États ont choisi de perdre de leur influence au profit des entreprises, l’économie a pris le pas sur toute autre considération, mais ce modèle a montré ses limites : surconsommation de ressources, pollutions diverses et variées, inégalités grandissantes. Comme les entreprises sont de plus en plus désignées comme une des sources principales des problèmes actuels, elles cherchent à se refaire une virginité, ce qui passe forcément par la communication. On peut croire qu’en jouant un peu de pipeau, ça passera. Ou alors on essaie de changer profondément les pratiques de communication. Au choix.
De mon point de vue, la réponse est évidente : cette démarche ne peut être entreprise dans un esprit de mode. Tous ceux qui en parlent avec les mots ‘tendance’, ‘buzz’, voire ‘innovation’, n’ont à mon sens rien compris au machin. Mettons-nous bien d’accord, beaucoup en font parce que c’est dans l’air du temps, et ils n’y connaissent strictement rien. C’est comme ça qu’on arrive par exemple aux pubs de Renault (si tu lis mon blog, tu vois lesquelles), qui sont des foutages de gueule monstrueux ; mais eux (Renault + l’agence) doivent être persuadés qu’ils sont en train de faire de la communication responsable. C’est aussi un des problèmes du modèle classique des agences de com, elles sont généralistes et attachées à un modèle consumériste et à une image standardisée de l’entreprise ; pour la communication responsable, quasiment toutes, y compris certaines qui s’en prétendent les spécialistes, parlent de ce qu’elles ne connaissent pas.
Gastronome en culottes courtes
Pour comparer, est-ce que tu envisagerais de communiquer pour un restaurant 3 étoiles sans t’y connaître en gastronomie ? Tu raconterais forcément des conneries énormes, genre « venez déguster notre magnifique panna cotta, qui comblera vos besoins en protéines » (pour les profanes, la panna cotta, littéralement « crème cuite », est un dessert italien à base de crème et de gelée, donc pauvre en protéines). Il FAUT connaître son sujet. Pour faire de la communication responsable, il est indispensable de maîtriser les concepts de RSE et de développement durable, comprendre réellement les consommateurs écolos, etc… Sinon, on va communiquer, et les cibles (clients + ONG), qui elles connaîtront le domaine, vont nous allumer sur la moindre erreur ou le moindre mensonge. Internet est là pour ça.
C’est peut-être une philosophie, je ne sais pas, par contre je sais comment devenir crédible pour ce public. Je suis militant à Greenpeace, je bouffe soit bio soit local, j’achète le minimum de superflu (mais je suis loin du moyen-âge, je ne manque de rien), je fais attention aux conséquences environnementales et sociales de mes actions. Bon, OK, je suis quand même plus militant que la moyenne. Au minimum, quand on veut parler de gastronomie il faut aller de temps en temps manger dans les grands restos, fréquenter les épiceries fines et lire tous les magazines de l’art de vivre. Idem pour la communication responsable.
Crédit photo : TheTruthAbout…, sur Flickr, image mise à disposition sous un contrat Creative Commons by-sa.
Génial ton article ! Vraiment bravo ! Si tout les communicants pouvaient faire preuve d’autant de philosophie que toi… L’éternel combat de la philosophie et du profit
Merci du compliment, Julien ! Je vais rougir… 😉
En fait, je ne m’étais jamais posé la question, parce que cela me semblait aller de soi. Ma démarche a été naturelle, la seule possible pour moi mais aussi, j’en suis persuadé, la seule efficace.
Bravo pour cet article. Je me permets de venir mettre mon grain de sel. Les annonceurs surfent sur une vague, c’est certain. L’écolo, l’éthique, le respect de l’environnement et des humains c’est à la mode et ça fait donc vendre.
Cependant quitte à passer pour une utopiste je crois que cette vague permettra de faire changer certaines choses. Car les faiseurs de green-washing sont de plus en plus montrés du doigt. Et puis pour plein d’autres raisons: être responsable (pour de vrai, pas pour dégager une bonne image) est rentable sur le long terme, pour le consommateur comme pour l’entreprise. A ce moment là, la démarche de communication responsable ne se fera alors pas par philosophie mais par pragmatisme, opportunisme. Mais ça on ne pas leur en vouloir, aux dirigeants d’entreprise, on ne leur demande pas de faire de la philosophie mais du profit 😉
Des grains de sel comme ça, je ne me plaindrai jamais d’en avoir !!! 😉
Bienvenue ici, Céline, n’hésite pas à venir réagir à mes élucubrations. En ce qui concerne l’éthique, sujet qui mériterait bien un bon petit article, je suis d’accord avec ton raisonnement, et il me semble justement que l’intérêt de la communication responsable est d’être gagnant sur les deux plans : éthique et financier. La stratégie de communication décidée doit pouvoir répondre aux deux exigences, au même niveau. C’est une ligne fine, pas évidente à suivre, c’est pour cela qu’il faut avoir la tête sur les épaules, et des valeurs bien affirmées.