L’édition 2011 de l’étude Publicité et société comporte les conclusions suivantes : « de plus en plus de Français se sentent frustrés et se mettent à l’écart du système économique et politique » ; « un fossé se creuse entre une part importante des Français et le marketing » ; « les publiphobes seront bientôt 3 fois plus nombreux que les publiphiles ». Si ce que vous venez de lire vous choque ou vous interpelle, la suite vous concerne !
Depuis 2008, je suis particulièrement friand des résultats de l’étude annuelle « Publicité et société ». Parce qu’elle est réalisée conjointement par un institut d’études et de sondages, TNS Sofres, et une agence de publicité, Australie, que l’on ne peut pas soupçonner d’être des opposants au système. Parce que la méthodologie et les questions posées sont pertinentes, et qu’elles ne relèvent pas d’un biais trop prononcé – nous avons tous fait des études pour confirmer ce que nous voulions qu’elles nous confirment. C’est déjà la huitième édition de Publicité et société, dont je vous recommande la lecture des conclusions et du communiqué de presse.
Modèles à bout de souffle
Cette étude, qui porte donc le titre très explicite de « décrochages », s’intéresse à la politique, à la différence des précédentes. Vous me permettrez de passer cette partie sous silence, pour m’intéresser à celles consacrées à la consommation et à la publicité.
Premier constat, et celui-là m’a laissé bouche bée : « pour la première fois, la typologie des consommateurs opposants au modèle consommatoire est la plus importante ». En détail :
Non seulement les opposants sont les plus nombreux, mais les accros à la consommation ne sont plus que 12% ! La réalité est cruelle, c’est celle de l’échec de notre modèle de consommation, et de l’attente d’une autre approche. (Au fait, le total des 4 chiffres fait 101% – juste en passant)
Les marques ne sont pas plus à la fête, avec seulement 39% des Français qui estiment que les marques les respectent (-7 par rapport à 2010) et 37% qu’elles les comprennent (-5). La publicité, de plus en plus mal perçue, voit sa note en baisse constante à 4/10. Elle est jugée envahissante à… 81%.
J’en déduis logiquement que les campagnes de pub qui sont censées nous vendre du rêve, faire de nous des accros des marques, ne sont en fait destinées qu’à une très petite marge de la population : les publiphiles (13%) accros de la consommation (12%). Cela en dit long sur la faillite du modèle publicitaire qui est encore le plus représenté. Déjà, il n’y a plus qu’un Français sur deux qui prête attention à la publicité, une illustration supplémentaire du vieil adage qui dit qu’un euro de pub sur deux ne sert à rien (mais lequel ?).
Nous avons la solution !
Piochons dans les conclusions de l’étude : « les marques perdent le contact avec ceux qui sentent qu’elles ne les respectent pas : soit qu’elles ne leur correspondent plus en termes économiques, soit qu’elles n’arrivent plus à les séduire par leurs actions marketing ». Et la toute dernière phrase : « seuls ceux qui sauront recréer une relation de compréhension, de respect, de considération pourront tirer l’ensemble vers le haut ».
Vous voyez où je veux en venir, au risque de passer une fois encore le même disque (et il est loin d’être rayé) ? La communication responsable fait partie des solutions évidentes pour sortir de cette impasse ! Elle propose de refonder la relation avec les publics, en dialoguant avec eux, en s’adressant à leur intelligence, en évitant mensonges et tromperies. Compréhension, respect, considération, exactement ce que conclut et recommande cette étude. C’est la base de la communication responsable – et non pas parler sans arrêt d’environnement ou de développement durable. Annonceurs, vous savez quoi faire…
Crédit photo : Strange Ones, sur Flickr, image mise à disposition sous un contrat Creative Commons by.
Tout est dit!
Mais les professionnels du secteur vont-ils avoir les mêmes conclusions? Et sont-il capables d’agir en conséquence? Que de boulot encore!
Merci Céline !
J’imagine, en caricaturant que les conclusions des professionnels « classiques » sont de se dire que d’accord, il y a un problème, mais qu’avec quelques ajustements à la marge et en étant tout simplement plus malins, plus subtils dans la façon de manipuler les cibles on arrivera à s’en sortir. C’est en tout cas l’attitude qui prévaut depuis quelques années, avec le développement du storytelling, du marketing de l’influence, des neurosciences, de la disruption à toutes les sauces. Autant de techniques qui ne changent rien à l’affaire.
Particulièrement d’accord avec ta dernière phrase. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas y croire. On part de loin, ça ne va pas changer du tout au tout en quelques mois ou même en quelques années. Je rencontre quand même bien plus de professionnels ou d’étudiants lucides et courageux qu’il y a trois, quatre ou cinq ans. Il y a de l’espoir ! 🙂