La façon dont on nomme une réalité influe sur sa perception. On ne voit pas la même chose selon que l’on parle de développement durable ou d’écologie, de conflit de haute intensité ou de guerre (clin d’œil à quelqu’un qui se reconnaîtra). Il en est de même pour la communication responsable. Quand je regarde la lenteur de la progression de cette pratique qui a pourtant tout pour plaire, je me demande si l’expression n’est pas mal choisie, et si les ambigüités que comporte cette dénomination n’en sont pas la cause. Prêts pour une bonne petite remise en question ?
Flashback
Mais au fait, pourquoi ai-je choisi cette dénomination ? Cela remonte à l’automne 2008. Depuis quelques mois, je faisais le bilan de mes premières années de communication, et j’étais frappé par deux choses : le gaspillage de ressources et la facilité qui consistait à faire des petits arrangements avec la vérité pour que le message soit plus accrocheur. Mais peut-être, sûrement même, d’autres avant moi avaient déjà eu cette réflexion. Pour ceux qui veulent communiquer autrement, comment cela s’appelle-t-il ? Communication éthique, communication raisonnée, pourquoi pas communication durable… non, l’expression qui semblait faire consensus, c’était communication responsable. Alors va pour communication responsable.
Les problèmes : ambigüités et impostures trop fréquentes
Après deux ans passés à lire tout ce qui se rapportait à la communication responsable, ou presque, je dois faire un premier constat : la plupart du temps, on confond toujours communication responsable et communication sur le développement durable. Ce n’a pas été faute d’insister sur la différence ici-même (mais mon influence est très limitée, je ne comptais pas y remédier seul). La communication responsable n’a d’intérêt que si elle s’applique à toute la communication de l’entreprise, et pas seulement aux seuls thèmes du développement durable ou de la RSE. Mais si on en est à devoir rabâcher constamment ce qui semble être une évidence, c’est peut-être qu’il y a un problème fondamental avec l’expression, qui ne dit pourtant rien d’autre que la communication en question se veut responsable.
Il faut aussi voir dans la confusion ambiante l’effet admirable des multiples impostures autour de cette notion. Car beaucoup se revendiquent de la communication responsable et font exactement l’inverse. Je pense bien sûr à l’UDA et à l’AACC, des organisations professionnelles qui font tout pour éviter un vrai changement de culture à leurs adhérents et qui, au sein de l’ARPP, font également tout pour que la communication irresponsable ne soit pas sanctionnée. Je pense aussi à certaines associations soi-disant militantes qui se complaisent dans le statu quo, tout en servant de bonne conscience aux greenwashers, voire en parlent justement pour que d’autres ne s’emparent pas du sujet et fassent vraiment bouger les pratiques. Et pour finir le fait que des entreprises et agences dont le positionnement est la communication responsable sortent très régulièrement des campagnes absolument scandaleuses, avec des pratiques que l’on croyait définitivement au placard (mais tant que ça parle vaguement de la planète, ça va, hein ?), ne me donne pas spécialement envie de me revendiquer de la communication responsable. Nous ne partageons clairement pas la même conception de notre métier.
Res-pon-sable, on vous dit !
Je reste pourtant convaincu que le choix de mots n’est pas si mauvais. Responsable, ça ne veut pas dire parfait, ça ne veut pas dire ne parler que des petites fleurs et des gentils animaux. Cela veut juste dire d’être responsable de ses actes, quand les choses vont bien mais aussi quand elles vont mal, ne pas se dérober et rejeter la faute sur les autres. Une communication qui prend ses responsabilités, cela suppose d’être conscient de la portée de ses actes, de leur impact pour l’entreprise et pour toutes les parties prenantes. Être responsable n’est pas une promesse intenable, inatteignable, mais modérée, et me semble plus porter sur le rejet de pratiques négligentes et destructrices.
J’aime aussi cette expression parce qu’elle ne se cache pas derrière son petit doigt, qu’elle est résolument une sous-catégorie de la communication, que son but est bien de créer une bonne image pour l’entreprise, au bénéfice de celle-ci. Mais cette communication s’interdit de faire n’importe quoi pour atteindre cet objectif, et elle fait même le pari qu’un comportement honnête aura de meilleurs résultats. Autant que je sache, la prise en compte réelle des parties prenantes n’a jamais fait fermer une entreprise, par contre elle a permis de pérenniser nombre d’entre elles. La responsabilité, c’est de vouloir marier éthique et rentabilité.
Mais peut-être peut-on appeler cela autrement ?
Crédit photo : makelessnoise, sur Flickr, image mise à disposition sous un contrat Creative Commons by.
PS : les fans des agences de pub auront reconnu sans peine un titre à la Nicolas Bordas. C’est pratique, cette formule, ça évite de devoir chercher des idées.
Et pourquoi pas communication « équitable » ? Bon ça n’a pas grand rapport mais j’essaye de caser le plus souvent possible le mot « équitable » 🙂
Le mot « responsable » me semble le plus approprié. Il est peut-être un peu trop général. Qui est responsable ? responsable de quoi ? devant qui ? Est-ce que l’entreprise qui fait une publicité doit à chaque fois se demander les conséquences néfastes que celle-ci pourrait avoir sur l’ensemble de la société ?
Merci Guillaume… après tout, on peut se poser la même question pour commerce équitable. C’est l’expression la plus adaptée, manifestement, mais on peut avoir des doutes, justement parce que les utilisations usurpatrices l’ont mise sens dessus-dessous. On ne sait plus ce qui est équitable, pour qui c’est équitable. À la différence près qu' »équitable » est plus précis que « responsable ».
Pour moi, responsable veut dire responsable devant tout le monde. Toutes les parties prenantes de l’entreprise. Je prends donc responsable dans son sens plein et entier. Et oui, absolument, l’entreprise doit se poser la question des conséquences de sa communication pour tous ces publics. Il y a bien souvent des arbitrages (douloureux) à faire, mais le moins que l’on puisse faire, c’est se poser la question, voire faire des pré-tests pour chaque public. Compliqué ? Oui, c’est compliqué de bien faire son travail…
Bonne question!
J’aurai pensé à « communication consciente ».
Comme je n’ai pas de dico à la maison (je sais, c’est pas bien mais je n’ai jamais remplacé mon dico du CE2…), j’ai tapé sur Google « définition responsable ». Surprise… en 6 et 9e position ont voit « communication responsable »… J’aurai plutôt pensé y trouver des définition juridiques, ou des sites d’emploi. En tout cas ce qui est sûr c’est que le terme de responsable renvoie à la responsabilité (et donc à la culpabilité?).
Mais finalement la communication ne devrait-elle pas être, comme toutes les disciplines, responsable…sans qu’on ai à le préciser?? Une médecine responsable? Une vente responsable? Une comptabilité responsable? C’est quand même dingue qu’on en soit arrivé à devoir préciser que les actions que nous menons sont réfléchies, conscientes, responsables! Non?
Si l’on oublie que la communication sert principalement à manipuler, aller dans le sens que l’on souhaite (ça n’est d’ailleurs pas forcément péjoratif), est-ce que la communication responsable ne ressemblerait pas à de la communication informative? Mais alors ce n’est plus de la communication au sens marketing?
Tout ça est bien compliqué mais je suis sûre d’une chose, c’est l’aberration du monde dans lequel on vit.
Eh bien ma chère Céline, voilà une conclusion bien désabusée… ce qui peut se comprendre vu le contenu de l’article.
Certes, les choses progressent beaucoup plus lentement que souhaitable, mais les principes de la communication responsable gagnent du terrain. Les résistances sont un bon signe. Il faut rester positifs, et faire en sorte que ces principes soient à la fois visibles et bien expliqués. Le pessimisme est l’allié des greenwashers (rien ne changera, alors pourquoi se battre ?).
Alors, communication consciente… c’est une idée… j’ai déjà vu passer « informatique consciente ». À creuser. (Et le wiktionnaire, alors ?)
C’est vrai qu’on ne devrait pas être obligé de préciser « responsable », cela devrait aller de soi. Et on en revient à l’opposition à d’autres, ce que l’on me reproche régulièrement, mais la communication responsable se fait en opposition aux pratiques de communication « classiques ». Pas de com classique (manipulatrice et gaspilleuse), pas de com responsable.
Et sinon, tu reviens aussi sur le fameux débat sur la manipulation. L’admettre, ou pas ? La réduire ? L’assumer ? Faire autre chose ? En ce qui me concerne je conserve une approche avec une stratégie de communication, un plan de communication (souple, le plan, souple), le but reste de façonner une image. Par contre, je pense qu’on peut influencer sans tromper, faire adhérer sans manipuler. Quoi, moi, utopiste ? 😉
J’ai souvent ce problème aussi entre communication responsable et communication sur le developpement durable. Et franchement peu d’annonceurs comprennent. Ils confondent ma RSE d’entreprise, la sensiblisation au DD que je propose via des articles sur le sujets et les actions de com dans une démarche de communication responsable qui ne pas destinés uniquement à mes clients dans le secteur du DD.
Je parle maintenant d’actions responsables en communication et non de communication responsable. Mais je suis aussi à la recherche d’un nouveau terme 😉
Excellente idée que de parler d’actions responsables en communication ! Je note… 😉
Pour ceux qui n’auraient pas encore compris la différence entre communication responsable et communication sur la responsabilité : il est bien sûr possible de parler de la responsabilité de l’entreprise et de le faire de manière irresponsable. Quand le sujet est l’environnement on appelle ça le greenwashing. Le sujet est le bénéfice de produits ou services sur l’environnement, mais le discours est mensonger. Sujet sur lequel on communique >< façon de communiquer. La grosse conséquence négative de cette confusion, c'est que nous nous retrouvons un peu "ghettoïsés" (le terme est sans doute mal choisi) dans les thèmes de la RSE, ou pire nous ne travaillons que pour les entreprises les plus avancées. Certes, nous sommes dans notre élément, mais est-ce la meilleure démonstration de l'apport de la communication responsable ? Alors que la communication responsable s'adresse potentiellement à toutes les entreprises, quelles qu'elles soient. Et que ce serait justement celles qui ont le plus de mal à aborder la RSE, qui n'osent pas, qui devraient faire appel à des professionnels engagés et qui savent ce qui sera crédible et ce qui ne le sera pas. Finalement, n'aurions-nous pas intérêt à inclure dans nos compétences la conduite du changement ?
Bonjour Lionel,
Merci pour votre réflexion que j’ai vraiment trouvée très intéressante, d’autant plus que vous avez soulevé des questionnements que nous avions déjà eu de notre côté (nous gérons sur facebook une page « Communication raisonnée »). Et il est vrai que c’est délicat de qualifier ce genre de communication « différente ».
De notre côté, sous le terme « communication raisonnée », nous entendons une communication qui cherche à faire « sens » et pas seulement du beau, et qui repose donc sur les principes suivants:
-écoute du client pour cibler ses besoins et le niveau de ses moyens
– être en prise directe avec la réalité: pour respecter l’environnement dans lequel on se place (impact sur l’environnement, respect des collaborateurs, prestataires, adéquation avec la demande et les moyens financiers du client)
– faire preuve d’astuce pour réaliser une communication des plus efficaces tout en prenant en compte l’ensemble des contraintes
Au plaisir de vous lire!
Marion pour la page facebook « communication raisonnée »
http://www.facebook.com/communication.raisonnee?sk=app_106878476015645
Bonjour Marion, soyez la bienvenue sur ce blog !
Alors, comme ça, on déterre des vieux posts ? 🙂
Si je citais « communication raisonnée » dans l’article, c’est évidemment une référence à votre initiative. Nous faisons les mêmes constats, nos réponses sont très similaires. Félicitations pour votre concept très abouti et très pertinent. Vous avez choisi votre propre dénomination (différentiation mais isolement ?), moi de rentrer dans la dénomination la plus courante (plus de synergies mais plus de confusion !), mais au final nous nous rejoignons totalement.
Au plaisir de vous rencontrer ou même de vous côtoyer professionnellement !
PS : moi c’est Yonnel, avec le Y et tout et tout 😉
Oups, mes excuses pour la faute dans votre prénom, j’étais tellement concentrée sur la communication responsable 😉
Il n’y a pas de problème, ça arrive tout le temps. Et quand je passe à mon nom c’est encore pire ! C’est une habitude à prendre…
D’ailleurs j’ai oublié de vous dire que je me suis permise de mettre un lien vers votre article sur la page de communication raisonnée!
Excellent ! Mille mercis. En retour je vous ajoute à ma webographie (qui aurait d’ailleurs besoin d’une sérieuse remise à niveau).
Super, merci à vous!
De mon côté je vous ajoute dans note bloglist de la page communication raisonnée!
http://www.facebook.com/communication.raisonnee?sk=app_106878476015645&app_data=page-2
Tiens, j’y vois des noms qui ne me sont pas inconnus…
Merci, vive les échanges de bons procédés ! 😉