Je fête un anniversaire cette année : cela fait tout juste 10 ans que je suis communicant. Après 3 années de journalisme, j’avais décidé de choisir mes combats et d’avancer d’un cran dans mon implication dans la vie de la cité. Or j’ai retrouvé récemment les notes des cours suivis à l’excellente ISTC (école de communication de l’Université catholique de Lille). Le moins que l’on puisse dire, c’est que les choses ont changé en 10 ans. L’occasion de revenir en arrière… pour mieux appréhender le présent, et pour mieux nous projeter dans l’avenir, ce qui sera l’objet de la suite de cet article.
Back in the USSR
Remettons-nous dans le contexte de 2006. Le président était Jacques Chirac (amère fin de double mandat, malgré l’inauguration du musée du quai Branly), son premier ministre Dominique de Villepin (alors loin des crocs de boucher). 2006, c’était la fronde contre le contrat première embauche. C’était l’affaire des caricatures de Mahomet par Charlie Hebdo, affaire avec des retentissements encore cruellement actuels. C’était aussi la condamnation et l’exécution de Saddam Hussein. Succès cinéma de l’année (eh oui) :
Et succès musical (non, ne me remerciez pas) :
Notre façon de consommer était assez sensiblement différente. Il fallait faire preuve de persévérance pour acheter bio et local (c’est pourtant à ce moment-là que je m’y suis mis) : ces modes de consommation étaient loin d’être aussi développés qu’aujourd’hui. Sans parler de commerce équitable et d’économie du partage…
Du modem à la box ADSL
Technologiquement, c’était un autre monde. La plupart des foyers équipés d’un ordinateur avaient ce genre de modèle :
Bien sûr, pas de tablettes en vue ! Pourtant, pour la première année, il s’est vendu plus d’ordinateurs portables que de fixes. Quant aux téléphones, ils ressemblaient à ça :
Pas d’Internet, pas d’applis, pas de tactile. Un téléphone, ça servait à téléphoner (eh oui), envoyer des SMS, prendre des photos en tellement basse résolution que ta grand-mère elle disait « mais c’est qui sur la photo ? », avoir un agenda non connecté, et jouer à un sublime jeu de serpent (les plus de 25 ans voient de quoi je veux parler).
Enfin, et nous en arrivons à la communication, 2006 a vu le lancement de Twitter (en juillet) et de Facebook (septembre-octobre). Gmail date de cette même année, et Youtube avait un an. Mais surtout, en 2006, moins de la moitié de la population (46,87 %) avait accès à Internet, encore fréquemment avec un modem 56k. Ce n’est qu’en 2007 que le basculement a eu lieu (statistiques Wikipédia) :
Préhistoire communicationnelle
Vous avez bien lu, il y a 10 ans quasiment personne n’imaginait que Facebook et Twitter allaient avoir une quelconque influence. On était plutôt, quand on était assez avant-gardiste pour être sur un réseau social, sur Myspace, Copains d’avant, ou Second Life pour les plus aventureux. Annonceurs et agences se demandaient encore comment ils allaient bien pouvoir aborder Internet, sauf en inondant les pages de bannières qui clignotaient de toutes leurs couleurs flashy.
Pour faire un site web, le standard était Dreamweaver, avec son interface un chouia restrictive :
Et le design des sites ressemblait, dans le meilleur des cas, à :
Internet n’était donc globalement pas le centre des préoccupations des communicants. Il faut dire que le paysage médiatique était beaucoup plus lisible et prévisible, et on pouvait s’en contenter sans problème. En TV, Free était encore bien seul à proposer l’accès à plusieurs centaines de chaînes. Pour la majorité, 8 nouvelles chaînes venaient tout juste d’apparaître (lancement de la TNT en 2005). Côté émissions, les nouveautés s’appelaient « On n’est pas couchés », « La France a un incroyable talent », « Desperate Housewives » (vraiment, quel renouvellement depuis).
Comment décrire le contenu des campagnes de cette année ? Sans doute en renvoyant aux tendances mensuelles de Stratégies (par exemple, celle du mois de juin). Une chose était déjà bien présente : le greenwashing, avec des campagnes classiques (là aussi, y a-t-il eu une vraie évolution ?).
Un âge d’or ?
Voici ce que l’on enseignait aux étudiants de L3, M1 et M2 dans mon école – du moins les cours que j’avais choisis cette année dans les 3 niveaux :
- (L3) marketing, communication écrite, droit de la communication, création publicitaire ;
- (M1) sémiologie, stratégie, mediaplanning, communication financière ;
- (M2) théorie de la communication, communication de marque, et en option, communication interne, conception-rédaction, relations publiques, « multimédia ».
C’était donc une communication presque exclusivement papier. La communication de crise était quasiment inimaginable, et ne parlons pas de communication responsable. Quant à Internet, à part apprendre à faire des sites, nous avions tout juste un peu de mediaplanning pour le display. L’essentiel était la stratégie et le développement de marque, dans une vision très top-down. Des bases solides… pour la communication d’un monde qui n’existait déjà plus.
Aujourd’hui, le retour d’hier ?
Longtemps j’ai dit que le cours de stratégie était le seul sur lequel je peux encore m’appuyer au quotidien. Depuis 2006, Internet a fait exploser ce qui était installé : vive l’instantanéité, les conversations, le buzz, le ROI immédiat, l’accès à l’information, la personnalisation… notions réelles ou fantasmées.
Mais comme le rappelle Thierry Libaert dans la vidéo ci-dessous, dont je vous recommande le visionnage, on observe actuellement un retour au temps long, à la stratégie. Pas de quoi revenir pour autant complètement à la communication de 2006 : le contexte est radicalement différent, mais certains principes restent.
Crédit vignette photo : un site archéologique, via Shutterstock. Reste des images : récupérées à droite et à gauche (je sais, c’est pas bien).