Adeptes de la communication responsable, du bio, du commerce équitable, du papier recyclé, pour vous la recherche de garantie offerte par les labels est devenue un réflexe. À y regarder de plus près, ce réflexe raisonnable ne saurait nous dispenser d’adopter une attitude un peu plus nuancée à propos des certifications existantes. Des pièges sont à éviter, faute de quoi nous en arriverions à attribuer à ce que nous défendons des qualités qu’ils n’ont pas. Donc à du greenwashing par ignorance.
Réflexions à partir de quelques dérives
Pour aborder le problème, commençons par une visite dans mon hypermarché. Nous sommes fin février, dans le Nord de la France. Le rayon des primeurs bio est bien rempli. Premier problème, on y trouve plusieurs fruits et légumes qui ne sont pas de saison : aubergines, tomates, concombres. Second problème, ils sont copieusement emballés (ce sont des oxymores !). Troisième problème, leur provenance : très peu viennent de France, encore moins de la région ; c’est l’Espagne qui se taille la part du lion – quelle efficacité énergétique, quelles conditions de production (serre, production de masse, conditions de travail) ? Quatrième problème, le prix, qui les limite à une clientèle aisée. On le voit, le logo AB ne suffit pas.
C’est le fonctionnement des certifications qui est en cause. D’abord, elles ne sont pas délivrées directement par un organisme public, mais des organismes privés (agréés), dont le but premier est de gagner de l’argent. Il n’y a rien de mal à cela, mais il ne faut pas s’attendre à un résultat où tous les aspects de la production serait pris en compte. La facturation de la certification a aussi ses conséquences : on paie par produit, et non par rapport au CA, et le coût d’entrée n’est pas négligeable (le verger de Benoît, dont je mange les pommes depuis plus de 15 ans, avait perdu les 2/3 de ses clients suite au passage au bio et à sa répercussion sur les prix de vente). Le système favorise donc les grosses exploitations monoculture, et ce au détriment des maraichers qui produisent un peu de tout, sur des petites parcelles, en petite quantité mais avec un grand souci de qualité. Idem pour les transformateurs.
Pour les producteurs, le bio n’est donc pas dénué de défauts. Autre petit exemple tiré de mon entourage, le boulanger bio du village d’à-côté ne peut pas utiliser les œufs des poules de sa ferme, dont il maîtrise pourtant l’alimentation et la qualité. Pour avoir le label AB, il est obligé, pour chaque fournée de son incroyable brioche, d’aller acheter des œufs labellisés bio. Ubuesque, non ? D’autres pourraient tenter d’obtenir le label, mais ils estiment pouvoir mettre en évidence autrement les qualités de leur production.
Le label seul ne suffit jamais
Dans d’autres domaines, les garanties ne sont pas plus absolues : les cosmétiques Cosmebio peuvent ne comporter que 10% (ou 5% pour le label ECO) d’ingrédients bio sur le total des ingrédients pour être labellisés, et le remplacement des conservateurs chimiques fait toujours débat, si bien que l’on voit apparaître des produits bio venant d’industriels plutôt abonnés au pétrole. De même, on peut s’étonner de voir les produits du commerce équitable si présents dans la grande distribution, et même hard discount, qui elle n’a rien d’équitable et n’a sûrement pas changé son modèle pour l’occasion (seul le producteur est concerné par le commerce équitable, pas le transport). Et à quoi sert-il que le papier soit certifié FSC ou PEFC s’il vient de Chine, produit dans des mauvaises conditions sociales, avec des produits polluants ?
Je passe sur les faux labels, en espérant que vous reconnaîtrez aisément ces utilisations trompeuses de labels créés ad hoc, suffisamment pour savoir ne pas les utiliser. Bref, le label seul n’est jamais suffisant ; il commence à être intéressant à partir du moment où la démarche est expliquée, où un bon degré de transparence existe, où l’on donne les preuves d’un engagement réel. À partir de là, on est dans la communication responsable. Tant qu’on ne montre qu’un label ? Beaucoup moins. La simple obtention d’une certification n’est qu’une assurance de ne pas atteindre le pire, pas de se rapprocher du meilleur.
Je ne suis pas en train de dire que tout le monde devrait se méfier des labels, ni de sombrer dans une défiance systématique. Seulement, en tant que professionnels amenés à les utiliser ou à communiquer dessus, nous devons avoir conscience de leurs apports et de leurs limites. Ainsi nous pourrons produire des messages plus nuancés, plus originaux, moins trompeurs. Pour un communicant, se contenter d’un label, c’est faire trop simple et manquer des opportunités de contenu à mettre en avant. C’est fou comme l’humain, avec toutes ses imperfections, toutes ses aspirations et tous ses questionnements, devient le centre du propos dès que l’on va plus loin que l’étiquette. Voilà quelques-uns des grands enjeux de la communication responsable : éduquer, développer l’attention, susciter l’intérêt… et la confiance.
Crédit photo : adulau, sur Flickr, image mise à disposition sous un contrat Creative Commons by-sa.
Tes exemples sont très justes… parfois (et paradoxalement) le label garantit moins que le commerçant qui connaît l’origine de ses produits. Pour y voir un peu plus clair dans le système des labels, voir le guide édité par Mes courses pour la planète : http://www.mescoursespourlaplanete.com/publications.html
Merci pour le lien ! Ce guide semble faire référence, je ne sais pas s’il propose une approche critique (en bien et en mal) ou s’il faut lire entre les lignes (ce qu’il faut faire avec presque toutes les autres sources)…
Merci pour cet article qui met les choses très au clair!
Les recherches que j’ai faites sur les « vrais » et « faux » labels ne font qu’essayer de démontrer la différence entre les labels provenant d’organismes indépendants, et les autres, les labels privés, de « pur marketing ». Ce guide dont tu parle cher (chère, je crois!) The greenwasher fait d’ailleurs partie de cette sorte de propagande autour des labels. Mais bien sûr c’est mieux que rien, oui oui je suis d’accord avec ça!
Pour la rédaction de mon mémoire j’ai rencontré un « Monsieur » qui m’a raconté comment les labels peuvent engendrer des pratiques complètement absurdes.
Quelques exemples:
Le label Impri’Vert en serait un exemple. En effet le tri sélectif des déchets est obligatoire depuis 1992 et d’après lui le cahier des charges imposé aux imprimeurs adhérents n’apporte rien de plus que cette loi. Ce n’est donc que de la communication sur un engagement légalement obligatoire.
Le label AB lui aussi, serait incomplet et comporterait des absurdités alors que c’est un label d’état.
Une autre personne que j’ai interviewé, elle, m’exposait le problème du commerce équitable et de ses labels. Il dénonce le fait que le commerce équitable et ces labels, comme Max Havelaar ou Bio Equitable ne concernent que l’axe Nord Sud: les producteurs « Nord/Nord » sont aussi concernés par la puissance et le pouvoir des distributeurs, en témoigne le problème actuel des producteurs de lait qui font entendre leurs difficultés.
Enfin, on en revient aux pratiques quotidiennes qui, selon lui, relèvent de l’absurde comme
l’utilisation d’ampoules basse consommation (qui est aujourd’hui imposée) que l’on ne sait pas traiter en fin de vie ou encore le papier recyclé qui pose le même problème.
Ne devenons pas des paranos du label!
@Yonnel Il y a une approche critique oui dans la mesure où chaque label est évalué selon des critères assez complets en prenant en compte le cycle de vie des produits concernés. J’ai découvert dans ce guide beaucoup de labels que je n’avais jamais croisés !
@Céline J’ai trouvé le guide en bibliothèque et j’ai trouvé que c’était un outil intéressant puisqu’il permettait de mieux connaître les labels dans leur globalité. Je sais pas s’il y a une propagande derrière, chaque organisation et chaque filière a ses faiblesses. Je crois plutôt au pouvoir du consommateur et c’est pour ça que j’écrivais dans mon premier commentaire que j’aurais tendance à faire confiance au commerçant qui me vend le produit. Exemple au marché du crémier qui connaît le producteur de son Saint Nectaire qui ne porte pas de logo AB. Exemple du boucher qui me vend de l’agneau qui n’est pas Label Rouge, dont la qualité est à chaque fois imbattable et dont il connaît l’exacte provenance.
@The Greenwasher:
Disons que ce qui ne m’a pas plus dans ce petit guide c’est justement que la critique ne poussait pas beaucoup: les labels Max Havelaar ou NaturTexil sont plus des logos que des certifications dans le sens où ce ne sont pas des organismes indépendants qui les délivrent, je ne les mets donc pas dans le même panier que AB ou Cosmébio. Mais j’avoue avoir fait diffuser l’info autour de moi quand ce petit guide est sorti! Il est tout de même très bien foutu et permet réellement de s’y retrouver un peu plus dans la jungle des logos 🙂 Comme tu le dis il permet d’avoir une vision globale du « marché des labels »… mais encore une fois superficielle (okok j’arrête, j’ai suffisamment blâmé pour la soirée )
@Céline Effectivement, je n’ai pas évoqué les labels dans l’imprimerie. Pourtant ce n’est pas l’intérêt qui manque ! J’ai toujours un sourcil qui se lève (!) quand j’entends parler d’imprimerie verte. C’est un secteur qui, pour l’instant, ne peut pas faire autre chose que de la réduction de ses impacts (et c’est déjà bien), mais de là à revendiquer un bénéfice pour l’environnement, faudrait voir à ne pas pousser mémé dans le purin d’ortie…
J’ai sûrement ignoré d’autres domaines, d’autres labels intéressants.
@The Greenwasher Entre nous, ce guide ne devrait-il pas être disponible en PDF, pour qu’il puisse toucher le plus grand nombre possible ? Je ne pense pas à une gratuité totale (et encore, comme il a reçu l’aval de l’ADEME et du MEEDM, quelques deniers publics auraient pu faire l’affaire), mais plutôt à une publication sous une licence libre, du genre des Framabooks (au passage je signale la parution de la biographie du père du logiciel libre, Richard Stallman, un très très bel ouvrage, si, si, si !).
@lesfilles Merci pour ces échanges, je les apprécie à leur juste valeur (c-à-d. énoooorme !). Encore une fois, il ne s’agit ni d’être 100% pro-labels ni 100% anti-labels. La vérité est ailleurs 😉
Le guide est téléchargeable sous format pdf! Tu n’es pas allé sur le lien de la miss The Greenwasher :p
Je te propose donc le mien: http://comandco.over-blog.com/article-consommer-durable-un-guide-pour-connaitre-les-labels-39660043.html
Arf, le boulet du web ! Promis, un jour j’apprendrai à surfer !!! 🙂
Réflexion faite, une fois le guide téléchargé, ben… pour être mini, il est mini ! Donc le guide dont on parlait, avec j’espère un peu plus d’explications pour chaque label, il n’est pas disponible en PDF (enfin, selon la recherche filetype de Google). Ouf, je ne suis qu’un semi-boulet 😉
Et je suis une mini-boulette 🙂
Un partout, balle au centre !