« Écoblanchiment, quand les 4×4 sauvent la planète », de Jean-François Notebaert et Wilfried Séjeau, paru en mars 2010 aux éditions Les petits matins, est un essai fortement conseillé pour tous les communicants et publicitaires, quelle que soit leur conscience du greenwashing. Mais il intéressera également tous ceux qui cherchent à comprendre en quoi le greenwashing est un enjeu de société important, un vrai frein à l’avènement d’une société plus intelligente.
Est-ce que j’ai fait ma pub verte aujourd’hui ?
Les grands secteurs les plus coupables de « flagrants délits d’écoblanchiment » ont droit à un décryptage particulièrement efficace. Monsanto et ses pesticides bons pour la nature, l’industrie automobile et ses incohérences, le projet de circuit de formule 1 à Flins au cœur d’une zone « haute qualité environnementale », la grande distribution et ses ambivalences, et EDF, qui reçoit le titre mérité de « champion de l’écoblanchiment ».
Le ton est franchement engagé, les arguments assénés avec beaucoup de conviction, le style implacable. L’alliance entre un universitaire et un élu vert a bien fonctionné. C’est justement ce qu’ont besoin d’entendre les communicants et publicitaires : un contre-argumentaire érudit et qui ne se cache pas derrière son petit doigt. Au fil des pages, on se rend compte de la monstruosité et de la perversité du greenwashing.
Il faut signaler la présence d’une douzaine de pages qui passionneront les sympathisants du commerce équitable, et où il est question de la cohérence du projet du commerce équitable, quand il est intégré (presque digéré) à la grande distribution. Selon les auteurs, c’est le mariage de la carpe et du lapin. Rien n’est tranché, mais les limites de ce genre de partenariat au forceps sont bien mises en évidence.
Des faiblesses ? Oui, il y en a. Si le premier chapitre, très précis et très argumenté, peut être lu et relu sans faim, les deux restants partent plus dans des généralités, et sont moins bien construites. Je regrette aussi qu’une place plus grande n’ait pas été accordée au système d’auto-régulation publicitaire qui facilite grandement le greenwashing. Peut-être les auteurs n’ont-ils pas vu à quel point la supercherie était élaborée. Cela n’enlève rien aux grandes qualités de cet essai engagé et potentiellement révélateur pour beaucoup.
La citation qui inspire tout sur son passage
Alors, comment vous donner envie de lire cet essai ? Peut-être finalement en citant un court passage (p. 123), qui pourrait bien devenir le résumé du projet de société qui est porté par tous les acteurs de l’écologie, du développement durable, de l’économie sociale et solidaire, quelle que soit leur appellation ou leur place (politiques, secteur public, entreprises, associations, etc.) – dont je fais évidemment partie :
« Un projet à long terme permettant de respecter l’environnement, d’avoir un développement soucieux des solidarités et de la cohésion sociale, et de protéger les générations futures est le seul tenable. C’est un défi enthousiasmant, mêlant toutes les sciences, tous les savoirs, toutes les bonnes volontés. Il passe par une nouvelle vision de la société, où l’homme, le citoyen, est replacé au coeur des préoccupations. Un projet où l’individu est vu autrement qu’en simple consommateur, prêt à tout pour acquérir des biens matériels censés le rendre toujours plus heureux. Nous sommes arrivés au bout d’un modèle économique, celui de l’argent roi, du chacun pour soi, du gâchis social, économique et environnemental. »
Crédit photo : ~anuradha, sur Flickr, image mise à disposition sous un contrat Creative Commons by-sa.
Je le reconnais, je n’ai pas fait mon devoir de citoyenne: j’ai imprimé l’extrait proposé sur Internet (naissance de l’éco-blanchissement) pour pouvoir le lire tranquillement dans le tramway pendant mon interminable trajet de retour du boulot!
Faute avouée, faute à demi pardonnée… Pour ma défense j’ai imprimé recto-verso et en « brouillon ». Et apogée de ma défense, je vais aller l’acheter dès que j’arrive à trouver une minute pour mettre le nez dehors. Faute totalement pardonnée?
L’extrait donne réellement envie de voir comment il va aborder les exemples cités, et de connaître ses conclusions!
Cependant juste une ombre au tableau de cette première lecture: l’auteur a l’air de confondre écologie et éthique, ou en tout cas de ne pas dissocier les termes?! Ce n’est peut-être qu’une faute d’inattention qui n’apparait plus dans le corps du livre.
« La demande de produits plus éthiques est en plein boom, et les entreprises qui traînent une image désastreuse en matière d’écologie se font du souci «
@ Yonnel Merci pour le résumé… ça donne envie de filer chez le libraire !
@ Céline Tu as raison de soulever la confusion éthique/écologie. Un produit éthique n’est pas forcément équitable et durable n’est pas strictement équivalent à bio. Une petite discussion avec un vendeur de la boutique Artisans du Monde ou La Vie Claire devrait éclairer le consommateur égaré.
@ The Greenwasher Deux précisions : ce n’est pas un billet sponsorisé ( 😉 ), et à l’origine cet ouvrage m’a été recommandé par Seb, qu’il en soit remercié !
@ Céline Excellente remarque, il existe en effet plusieurs passages (notamment dans les parties 2 et 3) où l’on se dit qu’il y a un peu de flottement dans l’air.
Et je crois que tu vas être déçue si tu crois que c’est ici que tu vas être blâmée ou même jugée pour trois pages imprimées… Pas le genre de la maison, il y a des choses plus importantes que ça ! Et puis, franchement… n’a-t-on pas tous nos petites faiblesses, nos petites contradictions, nos restes d’hyper-consumérite aiguë ? Ce qui est important c’est le chemin que l’on prend, pas l’endroit où l’on est sur ce chemin (proverbe chinois du Pas-de-Calais).
Pour avoir lu le livre sur ton conseil je partage globalement ton opinion : les deux derniers chapitres sont nettement moins bon que le premier. Sinon tu parles dans l’article du « système d’auto-régulation publicitaire »… c’est à dire ?
Salut Guillaume, et très heureux de t’accueillir ici ! Je recommande la lecture de ta critique, je dois dire qu’elle est plus poussée que la mienne…
L’auto-régulation publicitaire, à laquelle j’ai consacré un article assez factuel, est le mécanisme qui permet au greenwashing d’exister et de prospérer. C’est ce que j’appelle « la passoire dorée à l’or fin » : le système de contrôle des pubs par les publicitaires est fait pour paraître extrêmement complexe et sophistiqué, alors que dans ses gènes, dans sa finalité première, c’est l’absence de sanction qui importe. Ou à défaut un délai suffisamment important pour que l’impact de la campagne en cause ne soit aucunement diminué. Une vraie passoire à greenwashing, faite par et pour des greenwashers.
En l’absence de sanction, qu’est-ce qui empêche les greenwashers de greenwasher ? Rien. Certains annonceurs et agences sont de dangereux multi-récidivistes. Seule la pression des anti-greenwashing, dont en premier lieu l’OIP, peut générer la crainte de commentaires négatifs, en particulier sur le web, et inciter à plus de prudence. Mais les débordements existent toujours, et si une forme de contrôle les sanctionnait réellement, fort logiquement ils seraient nettement moins présents !