Par l’intermédiaire de l’excellent Unsuitablog, je suis arrivé sur un article hilarant qui relate 6 cas spectaculaires de greenwashing. Une fois les larmes de rire essuyées, je me suis décidé à en livrer une petite traduction. Attention, la forme est hautement loufoque, mais n’est-ce pas là une excellente façon de faire passer le message ?
Je précise que le langage a été préservé religieusement. Injures comprises.
Les 6 tentatives les plus foireuses de greenwashing
Pour un individu, « devenir vert » est simple comme plus de recyclage, moins de gaspillage et toujours, toujours, toujours se comporter comme un insupportable crétin en société. Mais pour une entreprise, « devenir vert » peut être une tâche beaucoup plus ardue, réalisée au prix de millions de dollars, de milliers d’heures de travail et de coupes budgétaires souvent douloureuses.
Ou alors, elle peut choisir de ne rien foutre, et juste dépenser tout son fric et son énergie à convaincre le public du contraire. C’est ce que l’on appelle le « greenwashing », et ça fonctionne de la manière suivante :
#6. Qui a besoin d’eau quand on a du Coca-Cola ?
Regardez : l’Inde est un pays joli et ancien, doté d’une culture riche et chargée d’histoire, et on ne veut pas leur casser le truc, mais c’est vachement peuplé. Ils en arrivent presque à se battre pour pouvoir respirer, et résultat leurs ressources naturelles sont tendues tendues. Là-bas, l’eau c’est vraiment la vie – par opposition à l’occident où c’est juste quelque chose où il faut mettre des électrolytes, ou quelque chose à jeter sur les T-shirts des filles qui n’aiment plus leur père.
Alors quand Coca-Cola est arrivé en Inde et a commencé à aspirer des milliers de litres de l’eau si précieuse pour la vie de la nation pour en faire son bain acide en bouteilles, ça a un peu pris quelques (millions de) personnes dans le mauvais sens du poil. Pour compenser cet horrible accaparement de ressources, Coke a essayé de montrer sa conscience environnementale en mettant sur pied un programme de dons pour aider à la préservation des ours polaires… qui, bien sûr, ne sont pas des autochtones indiens.
Ensuite lors d’une conférence professionnelle à San Francisco, Coke a aussi annoncé sa volonté d’être neutre en eau. Bon, en fait ils ont dit qu’ils « aspirent à rendre » ce qu’ils « prélèvent ». Aspirent. On peut aspirer à n’importe quoi ; faites un sondage dans une classe de maternelle et vous aurez 18 gamins qui aspirent à devenir astronautes, quatre qui aspirent à devenir policiers, deux qui aspirent à devenir président, et un enfant un peu spécial qui aspire à devenir une moto.
Attendez, il y a mieux ! Dans leur projet, s’ils prennent toute l’eau d’un des puits d’un village, ils peuvent atteindre la « neutralité » en remettant l’eau… dans un autre village. Tu vois, au lieu de rembourser ton prêt à la banque, ils te permettent juste de donner l’argent à une personne au hasard. Tant que tu paies quelqu’un, hein ?
#5. Attends, « vert », c’est pas une couleur ?
Dans un millier de réunions de managers tout autour du monde, la même idée prend forme :
« Hmm. Écologie = vert. Vert, c’est une couleur. Repeignons nos produits en vert. Oh putain ! Ça y est, terminé ! C’est l’heure du déjeuner, bande d’ordures. Soupe à la cocaïne et sandwiches à la vodka, c’est moi qui régale ! »
Pour des vraies bonnes initiatives couillues, on est obligés de mettre GM en haut de la liste. Père du Hummer « un litre d’essence offert par conflit au Moyen-Orient », GM avait un besoin urgent de redorer son blason et de trouver de quoi se faire une image verte. Alors, est-ce qu’ils sont allés vers des moteurs qui consomment moins ? Un effort dont on aurait bien besoin pour développer les véhicules à hydrogène ? Au moins du papier recyclé pour leurs prospectus ? Nan, ils ont juste fait passer leur logo du bleu au vert. Et c’est tout !
En interne, ils ont dit que la nouvelle couleur se voulait comme « un effort pour montrer aux consommateurs que [GM] est plus modeste, plus vert, plus impliqué dans la réduction de la consommation d’essence et plus à même de prendre des décisions rapidement. »
… attends, en dessinant quelque chose, on peut le rendre vrai ?! On n’avait aucune idée que ce pouvoir à la Harold et le Crayon Rose existait vraiment ! Attendez un peu !
#4. La langue verte
Mais ça ne s’arrête pas à un changement de couleur sur le logo. Puisqu’il n’y a pas de loi contre le mensonge éhonté à base de buzzwords de merde sauce new-age, c’était juste une question de temps avant que quelqu’un n’ait la super idée de faire la pub de leurs produits « verts » sans qu’ils aient le moindre élément écolo réel.
Par exemple, on est généralement d’accord pour dire que les couches en tissu sont plus respectueuses de la nature que les couches jetables. Alors comment faire acheter les jetables, qui vont encombrer les décharges ? Utiliser moins d’arbres ? Réduire les emballages ? Naaaaan. Tu peins juste le paquet en vert et tu mets des éco-slogans sans queue ni tête dessus.
Du coton bio ? Ouais, c’est écrit – mais combien ? Est-ce qu’il y a une certification ? Silence assourdissant sur ce point. Emballage recyclé ? Ben oui, 20 bons pourcents de l’emballage viennent de matériaux recyclés ! 20 % ! Ça c’est du vert ! Un bon cinquième de toutes leurs couches sont – attends, tu veux dire que c’est juste l’emballage qui est à 20 % recyclé ? Hum hum, et les couches à l’intérieur ? Elles sont faites en poudre de couilles d’aigle d’Amérique ? C’est… moins sympa. Ça semble même complètement inutile.
Et puis il y a les matériaux « amis de la Terre » auxquels les entreprises peuvent dire qu’elles se sont converties, comme le bambou. Une croissance super rapide, pas besoin de le cultiver, il pousse partout… allez, quoi, le bambou est le matériau renouvelable du futur, si vous croyez aux pubs pour des produits comme les vêtements en bambou.
Et puis, la fabrication de vêtements en bambou serait sacrément éco-responsable, sauf que la plupart des matériaux en bambou industriel doivent d’abord être écrasés, mixés, dissous dans de la soude, mélangés avec du sulfure de carbone (qui est une neurotoxine), puis lavés dans de l’acide sulfurique avant d’être séparés en fibres. Donc l’inconvénient de ce matériau « naturel » que vous portez est qu’il a à peu de choses près fait un voyage dans la décharge de produits toxiques.
#3. Traverser le beau ciel tout vert
Le transport en avion est constamment décrié pour son immense empreinte carbone, et ce n’est pas étonnant : un seul vol de Londres à Los Angeles produit la même quantité de dioxide de carbone qu’une année entière de trajets maison-boulot d’un travailleur lambda. Mais que faire pour la compagnie aérienne ? Dépenser de l’argent pour avoir des avions plus efficaces ? Laver l’avion ? Utiliser les moteurs auxiliaires ou tirer l’avion jusqu’à la piste d’envol pour diminuer la consommation d’essence de 6 % ? Meuh non, sortez du cadre, changez de paradigme !
À la place, pourquoi pas appliquer des limites pour les bagages à main et des limites de poids pour les bagages en soute. Voilà des économies d’essence !
… avec en plus le petit bonus de vous faire des couilles en or grâce aux suppléments. C’est comme une petite brute de cour d’école qui te vole ton sandwich en disant, « tu sais, la faim dans le monde c’est un vrai problème. Je veux que tu y réfléchisse pendant que je mangerai ton sandwich. »
Bien sûr, pourquoi arnaquer tes clients quand tu peux les arnaquer et les humilier ? Heureusement, le Japon (où l’humiliation est un devoir civique) a trouvé une solution :
Toutes les compagnies aériennes japonaises exigent maintenant que les passagers utilisent les toilettes du terminal avant l’embarquement, sous prétexte que ne pas avoir à transporter toute cette urine et ces excréments diminuera les émissions de CO2, jusqu’à cinq tonnes par mois. Ils mettent même des « vérificateurs de pipi » aux portes, qui demandent d’aller aux toilettes avant l’embarquement.
#2. Prends ce substitut de plomb biodégradable et non toxique dans la gueule !
Mettons que tu es un fabricant d’armes qui soudain a une prise de conscience et se rend compte que son travail fait du mal aux gens – oui mais quoi ? Eh bien, tu peux choisir de tout déchirer et utiliser ton immense fortune pour créer un exo-costume à réaction, et voler à travers le monde pour répandre une justice aveugle (c’est sûr, tu continues à foutre en l’air le monde, mais maintenant ça vient de quelque chose de cool !)
Ou alors tu pourrais prendre un chemin bien moins cool, comme BAE, le marchand de canons britannique, qui a donné quelques conférences de presse bien suivies afin de révéler sa nouvelle génération d’armes éco-responsables. Parmi les clous du spectacle (sans rire) : des balles sans plomb, des bombes sans boum qui réduisent la pollution auditive, et des avions de chasse qui consomment moins d’essence. Mais pourquoi s’arrêter là, BAE ? Pourquoi ne pas carrément remplacer tous vos avions par des hippies suffisants en vélo qui lancent des salves explosives de sarcasmes cinglants vers l’ennemi ?
« Nous avons tous un devoir de diligence, nous assurer que du berceau à la tombe, les produits sont utilisés de manière appropriée et ne causent pas de dégâts durables », a déclaré le Dr. Deborah Allen, directrice exécutive adjointe du développement durable de BAE (son titre donne moins l’impression d’un travail que d’un nouveau cercle de l’enfer). Le Dr. Allen a raison : les entreprises devraient s’assurer que leurs produits ne causent pas de dégâts durables… sauf si leur business est de faire des produits destinés à faire des dégâts durables. C’est votre travail d’amener les gens « du berceau à la tombe », BAE – laissez l’adoration de Dame Nature aux hippies avant qu’on n’en arrive à la première bombe nucléaire à énergie éolienne de l’histoire.
#1. C’est la minute verte !
Jour de la Terre, semaine de la Terre, année de l’environnement, décennie des arc-en-ciel, biennale du « ne tuez pas de lamantin »… la plupart des gens n’en ont rien à secouer des couleurs abstraites des semaines, mais pour les entreprises une « semaine verte » est une excellente opportunité de montrer toute l’implication d’une minuscule fraction de leur budget pub, pour avoir une bonne image l’espace d’une petite période prédéterminée, avant de revenir aussi sec au pillage de la Terre.
Par exemple, la « Green Week » de NBC, c’étaient des shows sur toute la chaîne qui prenaient un coup de vert – de Heroes, 30 Rock et The Office, à Martha Stewart et Top Chef. Cette initiative imposait que les émissions introduisent au moins une intrigue verte, pour « tenter d’attirer l’attention ». La plupart des émissions ont juste tout foiré, ce qui a entraîné beaucoup de dialogues bizarres, forcés au chausse-pied, et des monologues étranges, mais Heroes, au moins, s’est vraiment impliqué dans l’événement : ils recyclent la même intrigue depuis quatre ans.
Une autre partie de ce projet impliquait aussi que The Weather Channel passait toute la semaine des intermèdes sur le changement climatique, préparés spécifiquement par leur Équipe Écolo. Malheureusement, à mi-parcours, NBC a fait un peu de protection d’elle-même et a viré tous ces nuls.
Le truc en plus ? Un des plus gros sponsors de la « Green Week » était GM… avec le Hummer. Quelque part, Dame Nature est en train de se faire défoncer par une bombe nucléaire qui n’a pas encore explosé, et ça sera toujours plus « éco-responsable » que ça.
Pourquoi essaie-t-on de sauver la planète, au fait ?
J’adore ce passage de ton article : « tu sais, la faim dans le monde c’est un vrai problème. Je veux que tu y réfléchisse pendant que je mangerai ton sandwich. »
Salut Mickaël ! En effet cet article regorge de citations assez croustillantes – enfin, faut aimer un peu le trash… 😉