Hier, je me faisais une joie de me rendre à une table ronde organisée par l’Adetem à Skema Lille, autour de l’intrigante question « Pourquoi la marque ? » Las, la table ronde est reportée au mois de janvier. Ce qui ne m’a pas empêché d’avoir quelques réflexions autour du concept de la marque, en partant des trois questions au programme : « La marque est-elle la colonne vertébrale de la stratégie marketing ou une forme de traduction ? La marque catalyse-t-elle cette stratégie marketing ou la freine-t-elle? Peut-on se développer sans marque ? »
Ces questions trottent dans ma tête depuis la lecture du chapitre « La marque, objet total » de La communication transformative (Laurent Habib), ouvrage remarquablement à l’opposé de ce en quoi je crois. Derrière ce drôle de titre de chapitre, rien d’autre qu’un renforcement du culte de la marque comme seul horizon de la communication. De quoi dégoûter des marques.
Comment faire se rapprocher la notion de marque et la communication responsable ? Est-ce seulement possible ?
Premières remarques
Pour bien réfléchir, commençons par douter. La présence même des marques est-elle légitime ? N’est-ce pas (encore) qu’une création un peu facile de communicants, qui systématiquement est source de mensonge ? Je ne crois pas. Du moins, j’ai à ma disposition une jolie flopée de marques authentiques, chez lesquelles la marque est un signe distinctif parfaitement représentatif de l’identité réelle de l’entreprise.
Si la question « pourquoi les marques » se pose aujourd’hui, alors que l’on aurait pu croire cette notion définitivement acquise, c’est qu’il doit y avoir une bonne raison. Une perte de crédibilité, au hasard. (Nous verrons si au cours de la table ronde, la question sera véritablement posée, ou si elle ne sera que rhétorique.)
C’est que, voyez-vous, comme dans le cas de l’utilisation de l’argument environnemental (voir deux productions maison sur les effets du greenwashing : De la lutte contre le greenwashing et Greenwashing : reculer ou avancer), les présentations à mauvais escient des marques ont comme conséquence une perte de crédibilité de l’ensemble des utilisations de la marque – y compris les bonnes.
Trop de marque tue la marque
Parmi les dérives, deux me viennent immédiatement à l’esprit. D’abord, la prolifération des marques. Il semblerait que plus aucun produit ou service ne soit accolé à une marque (impression trompeuse, l’alimentaire en vrac en magasin bio n’a aucune marque, et pourtant il jouit d’une réelle popularité).
Parmi les exemples extrêmes : SNCF et sa kyrielle de marques (TGV, Teoz, Corail, Voyages-sncf.com, Seafrance, etc.), Unilever ou P&G qui ne s’affichent que sous leurs noms de marques, et certaines marques de distributeurs (comme Leclerc). On en est presque arrivés à « un service ou un produit = une marque ». Cela ne peut qu’aboutir à une saturation, et à une dilution de l’influence des marques fortes.
La première chose à faire pour approcher la marque de façon responsable, c’est de ne pas y avoir recours à tort et à travers. Pour cela, il faut batailler contre l’envie compréhensible de faire du court terme, et de repartir sans cesse pour de nouveaux produits avec une nouvelle image, reconstruite de zéro. Sauf que ce n’est qu’une logique de coups, donc assimilable à la politique de la terre brûlée, préjudiciable pour l’ensemble des marques. Construire patiemment une identité d’entreprise acceptée, respectée et appréciée peut très bien suffire.
COHÉRENCE !!!
Seconde dérive, que l’on sent bien dans le chapitre qui leur est dédié par Laurent Habib, c’est le caractère de plus en plus éthéré et fictif des marques.
Souvent, la marque ne sert qu’à justifier un prix élevé ; on bâtit donc rapidement des « attributs » de marque, un « ADN de marque » (remarquez le vocabulaire, Frankenstein n’est pas loin !), sur des produits pas fondamentalement meilleurs, et hop-là, ni une ni deux, je peux fixer un prix 30% supérieur au marché. On ne vend pas des produits, on vend du vent.
Seulement, l’entourloupe ne peut prendre que temporairement. Parce qu’au final cela ne remplacera pas des produits de qualité, qui eux sont le socle indispensable à une politique de marque. Parce que les parties prenantes sont de plus en plus regardantes sur le comportement de l’entreprise envers son environnement, et que la confiance est (ou était ?) la base de l’économie.
Pour une communication plus responsable, c’est simple : la marque, oui, mais pas déconnectée de deux réalités : celle du produit ou du service, et celle de l’entreprise qui produit !
Crédit photo : jean-louis zimmermann, sur Flickr, image mise à disposition sous un contrat Creative Commons by.
C’est amusant, au débuts du capitalisme une marque c’était réellement ce que ça signifie : un signe sur un produit, un tampon sur une caisse pour signaler sa provenance (producteur A ou producteur B). Juste pour que les clients sachent à qui ils achètent, puisque le rapport direct au producteur disparaissait petit à petit. C’était donc bien connecté à l’entreprise productrice et au produit !
À noter aussi, à l’époque la marque elle-même était une information puisqu’on connaissait déjà les producteurs à qui on achetait. Ce n’est plus possible avec la mondialisation : il y a trop de producteurs pour qu’on puisse connaître chacun directement et la marque est clairement plus une « image » qu’une réelle information.
Hâte de lire ton rapport sur la table ronde pour en savoir plus !
Merci Mia ! Bien vu, on est bien avec la marque dans une tentative de remplacer un lien jadis non virtuel, aujourd’hui de plus en plus distendu. Et en chemin le rapport au producteur et au produit s’est effiloché.
Aujourd’hui, quelqu’un m’a parlé du cas des confitures « Bonne maman », et faisait remarquer que si l’image était celle d’un produit à l’ancienne, traditionnel, quasiment artisanal, celle-ci n’avait aucun fondement. Juste des confitures industrielles, correctes, respectant la réglementation (et pour les confiotes, ça règlemente sévère !), mais sans plus, et surtout sans rapport avec des confitures réellement artisanales. Mais la marque est perçue comme elle veut l’être (c’est une filiale d’Andros, au fait). « Prouesse » facile ? Certes non, ces exemples sont de plus en plus rares, et dans le cas de Bonne maman, c’est le résultat d’une stratégie de communication constante, développée sur des années, voire des décennies.
Comment ça, tu veux que je fasse un rapport de la table ronde ??? 😉
Voici une annonce pour une autre table ronde… passionnante :
Le Labo de l’Economie Sociale et Solidaire, think tank de l’ESS, inaugure un cycle de rencontres sur la place de l’ESS dans la société de demain.
La première rencontre aura lieu le 5 janvier prochain et accueillera Eva Joly autour du thème : « L’Economie sociale et solidaire dans la transition écologiste ».
L’entrée est libre mais il faut s’inscrire compte tenu des places limitées.
Adresse
Salle Jean Dame
17 rue Léopold Bellan
75002 Paris
Métro Sentier Ligne 3
Au plaisir de vous y voir.
Solidairement,
Sabine
Relayons, relayons ! Pour s’inscrire, c’est sur http://www.lelabo-ess.org/, et le formulaire d’inscription se trouve ici.
C’est râpé pour moi, il me sera matériellement impossible le 5 janvier d’être à Paris avant 20h. Ce n’est pas l’intérêt qui me manque ! La question de la reconnaissance de l’ESS n’est-elle pas en grande partie une question de communication ?
(Diantre ! Ne me voilà pas officiellement impliqué dans la bataille des présidentielles ! Euh… Non, pas le moins du monde, j’aurais relayé quel que soit le candidat ou la candidate. Enfin, presque.)