Quand la RSE prend l’ascenseur

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Amis lecteurs et lectrices, s’il est encore temps pour cela, meilleurs vœux ! Dans la grande série des petits exemples de la communication responsable, voici comment un ascensoriste utilise une opportunité de communication intéressante – à mauvais escient. Ou : pourquoi il ne faut pas chercher à tout prix à caser des arguments RSE.

Je les ai devant les yeux tous les jours ou presque. Je suppose que la petite centaine d’habitants de ma résidence aussi. Quoi donc ? Ces petits cartons à l’intérieur de l’ascenseur, qui nous informent de la maintenance… et un peu plus.

Ces cartons sont des points de contact avec la marque. Des moments de vérité. La marque, en l’occurrence Koné, nous dit quelque chose en plus de la simple date de la dernière inspection de l’ascenseur. Pourquoi ne pas en profiter, puisque c’est finalement un axe de passage quasi-incontournable, et que la plupart du temps, c’est un moment où nous n’avons pas grand-chose d’autre à faire (un bon « temps de cerveau disponible »…) ? Le moment est propice. Comment est-il utilisé ?

Analyse d’une ascension laborieuse

Ces cartons changent environ tous les deux ou trois mois. Avec visiblement des essais, des stratégies différentes, ce qui n’est déjà pas un excellent signe. Mais va pour le A/B testing. Examinons en détail ces différents angles.

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Juillet : « réduire la consommation d’énergie de votre ascenseur, c’est possible ! Plus d’infos sur www.kone.fr »
Intrigant, comme message, non ? La formule laisse entendre que les utilisateurs ont ce pouvoir. Ce n’est évidemment pas le cas. Les pages en rapport sur le site de la marque nous parlent des derniers modèles, d’économies d’énergie entre 2006 et 2010 pour justifier cette réduction de la consommation d’énergie. Manque de chance, l’ascenseur en question a 15 ans. La promesse est donc factuellement fausse, et je suis certain qu’elle l’est pour la majorité des ascenseurs en service.
Au-delà du côté factuel, ce qui pose aussi problème, c’est la pertinence de ce message pour son public. Quelle importance pour ceux qui prennent l’ascenseur que celui-ci consomme moins d’électricité ? Toute relative. La suite va le démontrer.

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Septembre : « savez-vous que lors d’une visite de maintenance, rien n’est laissé au hasard ? Plus d’infos sur www.kone.fr »
Message beaucoup plus en rapport avec l’objet premier du carton. Ce qui cloche, c’est que l’ascenseur en question est souvent en panne. Rien n’est laissé au hasard ? La vérité (selon Unerman & Baskin), celle que peuvent constater les utilisateurs tous les jours, c’est que ce message est mensonger. Il en est de même dans tous les immeubles où l’ascenseur tombe souvent en panne. Le souci est que les effets d’un tel moment de vérité sont dévastateurs. Crédibilité zéro.

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Octobre : « saviez-vous que nos techniciens sont continuellement formés pour mieux répondre à vos besoins ? Plus d’infos sur www.kone.fr »
Même remarque que précédemment. C’est pourtant peut-être le message le plus vrai. Peut-être. Mais comment le savoir ? Les pages qui y sont consacrées sur le site, d’ailleurs bien cachées, ne nous apprennent rien.

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Décembre : apparemment retour d’une vieille version… mais la plus savoureuse. « Seul ascensoriste certifié ISO 14 001 pour ses produits et ses services, KONE assure la gestion de vos installations dans le respect de l’environnement ». Mais qu’est-ce qu’on peut bien en avoir à carrer que l’entreprise aie le « respect de l’environnement » ? Quel est le rapport ? En quoi cela nous touche-t-il directement ? Aucunement. Le lien entre l’environnement et la maintenance d’un ascenseur, même indirect, il faudra me l’expliquer. À moins que ses pannes ne soient en fait une incitation à prendre l’escalier, et donc une réduction radicale de sa consommation d’énergie ? « La promesse ne s’incarne pas dans l’expérience utilisateur », dirait-on pour parler le jargon marketeux actuel. Ici, la certification est totalement inopérante et mal utilisée. Rien à voir avec la choucroute !

Et à la place, tu ferais quoi ?

Analyser, d’accord. Mais que préconiser, dans l’optique de la communication responsable ?

– Avant tout, des ressources venant apporter des preuves substantielles des messages (autrement dit des landing pages), et non un simple lien vers la page d’accueil, avec de nombreux clics avant d’atteindre la bonne page. Au passage, le QR code est une bonne idée, à part que dans la plupart des ascenseurs, le réseau mobile est indisponible. Donc on oublie. On fait simple, lisible et compréhensible en 10 secondes… mais vrai.

– Des visuels moins nunuches. Le visage de l’ouvrier heureux, c’est faux et pas créatif pour deux sous… Les impératifs du brief : attirer l’œil, rassurer, incarner le professionnalisme.

– Sur le contenu, plusieurs options : soit tout axer sur le service, proposer de joindre le technicien ou le centre de support. Ce serait déjà bien assez.
Soit essayer de profiter du moment propice pour parler de ce que la marque fait pour rendre meilleur, ou juste possible, le moment passé dans l’ascenseur (« la petite musique de l’ascenseur… rendue possible par Koné », par exemple), histoire d’humaniser la maintenance.
Soit pour les plus ambitieux, la possibilité de faire de ce support et de ce moment le relais d’opérations ponctuelles de la marque. On le voit, les possibilités sont multiples. Mais toutes tournent autour de quelques axes de base : cohérent par rapport à la stratégie, vrai par rapport à l’expérience qu’en ont les publics, et vérifiable. À la fois simple et redoutable à mettre en œuvre !

Ah, et au fait, l’original qui piquait depuis 6 mois les petits cartons dans l’ascenseur… c’était moi.

Crédit photo : Олександр, sur Flickr ; image mise à disposition sous un contrat Creative Commons by.

One comment to “Quand la RSE prend l’ascenseur”
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