Prenez Ikea, un grand groupe de distribution ayant fait de la RSE un des piliers de sa communication depuis quelques années. Ajoutez un élément perturbateur : la condamnation de l’entreprise à 30 000 € d’amende pour destruction d’espèces protégées, le 4 juin 2010. L’étagère reste-t-elle debout, choisit-on de la cacher, ou s’écroule-t-elle ? Passons en revue les solutions possibles.
Regardons dans le carton…
La mésaventure d’Ikea est résumée par le Journal de l’environnement, « lors de la construction d’une plateforme logistique de 65.000 mètres carrés en 2008 à Fos-sur-Mer, (Bouches-du-Rhône), plusieurs spécimens d’espèces protégées animales et végétales ont été détruits, par négligence et sans dérogation préfectorale. Parmi les espèces concernées figuraient le lézard ocellé, la couleuvre de Montpellier, le héron cendré, ou encore le bouton-d’or. »
Pourtant, on ne peut pas dire que la Responsabilité sociétale des entreprises, et surtout sa composante environnementale, soit une inconnue chez Ikea. Leur site web regorge d’informations ou d’assertions à ce sujet, avec en particulier toute une section dédiée. Il y a un an, Ikea avait brillamment communiqué pour le lancement de sa plate-forme de covoiturage.
Ce jugement est suffisamment sérieux pour véritablement remettre en cause cette orientation de communication. Quelques mois après des grèves ayant mis en évidence les « difficultés » d’Ikea dans le domaine social, la voix d’Ikea dans le concert de communication basée sur la RSE pourrait sonner de plus en plus faux. Quand on regarde par exemple ce qu’Ikea considère comme la cuisine verte, il y a des questions à se poser quant à l’authenticité de ce positionnement. En tant que telle, la compatibilité entre l’entreprise et la RSE n’est pas évidente : modèle expansionniste, magasins en périphérie d’agglomération, consommation de masse, positionnement plutôt bas de gamme, traitement industriel des meubles (bonjour les émissions de polluants), etc. Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais moi, Ikea écolo, j’ai du mal à adhérer. Maintenant que les constats sont faits, examinons les directions sur lesquelles le service communication d’Ikea France doit phosphorer actuellement :
Option 1 : RAF (non, ce n’est pas Royal Air Force)
Ikea pourrait considérer que ce jugement n’est que le résultat d’une erreur locale, un « freak accident » comme on dit en anglais. Alors ce n’est pas une remise en question, on peut continuer comme avant. Continuons à communiquer sur la RSE, et surtout ne parlons pas trop de cet incident regrettable. D’ailleurs dans un mois nous allons lancer une opération de soutien à la biodiversité, c’est l’année pour cela, il serait bête de ne pas en profiter (est-ce que ça se voit tant que ça que je trouve cette option totalement dénuée de sens ?).
Avantages : facile à défendre, au prix d’un exercice de contrition des plus superficiels (oui, on a fait une gaffe, mais en fait ça ne veut rien dire). Permet de ne pas trop se fatiguer à repenser une nouvelle stratégie.
Inconvénients : en plus d’être contraire à l’éthique la plus basique, c’est une stratégie risquée. Parfaite pour s’attirer les foudres des ONG, et se préparer des lendemains qui déchantent.
Option 2 : la cabane qui tombe sur le chien (vert)
Autre possibilité, considérer que la communication sur la RSE n’a pas pris une si grande place que cela, et estimer que cet épisode est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Profil bas, et on arrête de communiquer sur un sujet qui n’est pas totalement maîtrisé. Au pire, si vraiment l’image d’entreprise verte était indispensable, cela serait l’occasion de repartir à zéro, passer d’une communication assez accessoire (voire futile) à une communication vraie, en passant du temps à rendre le fond plus cohérent. Mais je ne pense pas que ce soit un positionnement adapté à Ikea. Donc, abandon pur et simple de la thématique RSE.
Avantages : c’est parfaitement cohérent, les risques de dérapage sont réduits. Le discours pourrait être plus proche de la réalité. Il y a pléthore d’autres sujets abordables (mais plus classiques) : le design, la fonctionnalité, voire le prix. Ce serait plus responsable.
Inconvénients : perdre la « source de bonne image » que représente la RSE.
Option 3 : opération mains propres
Pour finir, il me semble qu’Ikea pourrait admettre sa responsabilité dans le cas présent, et dire « non, non, nous sommes plus respectables que cela, d’ailleurs nous allons vous le prouver ». Et de se lancer dans une opération mains propres, en faisant la transparence sur leurs process, leurs approvisionnements, les actions mises en œuvre pour les 3 piliers du développement durable.
Avantages : pour redorer son blason, si la démonstration est réellement fondée sur des faits solides, nombreux et non démentis par d’autres, le bénéfice pourrait être immense. La situation de menace serait transformée en opportunité.
Inconvénients : voilà une option hyper-risquée. L’entreprise est-elle dans la position idéale pour faire cela ?
Dans tous les cas, Ikea a deux possibilités dans l’immédiat : communiquer ou se faire discret. C’est visiblement la seconde option qui a été préférée, et je me demande pourquoi. Pour se faire oublier ? Inimaginable ! Cela a pu être possible il y a quelques années, mais avec le développement d’Internet, l’information se répand, elle ne s’oublie pas, et le risque de campagne négative est réel. Allez, vite, au moins un petit communiqué de presse ! Au moins pour dire si Ikea souhaite faire appel ou pas de la décision…
Au passage, vous l’aurez compris, ma préférence va à la deuxième option. Pour moi, dans ce cas, la communication responsable consiste justement à ne plus communiquer sur la responsabilité de l’entreprise, au moins pendant un temps. Je comprends que cela puisse étonner ceux qui croient que la communication responsable ne parle que de RSE ! Mais cela se débat, évidemment.
Crédit photo : maebmij, sur Flickr, image mise à disposition sous un contrat Creative Commons by-sa.
Bonsoir,
A priori vous recherché une notice Ikéa, alors voici un petit coup de pouce grâce au site [paf, pas de bol, censuré] sur lequel sont référencés plusieurs milliers de notices IKEA !
@+++
Bonsoir,
Mais non cher ami, je ne cherche pas une notice Ikéa… il faut lire l’article. J’ai validé votre commentaire parce que c’est ma coutume, et qu’il m’a fait rire, mais ce genre de pub, pas chez moi, merci.