C’est le titre de l’article publié en quatrième de couverture du Monde Diplomatique du mois de mai. L’auteur, Mathias Roux, y fait le constat que la culpabilisation du citoyen est devenue une constante dans la communication publique, mais ce constat s’applique également à la communication des entreprises. Étude d’un travers à éviter pour tout communicant responsable.
« Pendant que vous lisez cet article, dix enfants vont mourir de faim. » L’intention sous-jacente [dans ce slogan publicitaire] est de nous empêcher de prendre le temps de faire une pause et de réfléchir à ce qui se passe : nous n’avons pas le temps de penser, nous devons agir maintenant » » (citation de Slavoj Zizek). Le but de la communication est ainsi de plus en plus souvent d’exploiter la mauvaise conscience du consommateur. « Chaque individu est quotidiennement soumis à des messages qui, sous couvert de le responsabiliser, le mettent en position d’être lui-même à blâmer pour les maux qu’il pourrait subir », analyse Mathias Roux.
En organisant la communication pour une entreprise qui se voudrait plus éthique que les autres (c’est à cela que sert la communication responsable), on peut aller tout naturellement vers cette solution de facilité, qui consisterait à culpabiliser ceux qui utilisent les produits ou les services des enteprises moins vertueuses. Par exemple :
– pour une SS2L qui produirait des solutions de pare-feu : imaginez la catastrophe qui arriverait en n’utilisant pas un bon pare-feu (des gros virus méchants, la cata totale)
– pour un producteur d’énergies renouvelables : vous utilisez de l’électricité nucléaire, vous polluez la mais vous ne vous rendez pas compte ?
– pour un distributeur de produits bio : vous avez le choix : soit vous détruisez la planète en achetant des produits industriels, soit vous prenez le chemin qui vous mènera à la lumière…
– pour un producteur de cosmétiques bio : allez-vous encore longtemps mettre du pétrole sur votre peau (ou pire, sur la peau de vos bébés) ?
– pour un producteur de produits équitables : vous achetez du café industriel, donc vous êtes responsable de l’appauvrissement de paysans au Brésil ou en Éthiopie !
– pour un système de carte bleues : si vous payez en chèque, soit il y aura un incendie, soit des gens se retrouveront pris dans du ciment à prise instantanée, soit les deux à la fois (mais où va-t-il chercher des exemples aussi caricaturaux ???)
Tous ces arguments sont défendables, mais il est de la responsabilité des entreprises éthiques de ne pas reproduire le mode de communication inhérent au modèle dont elles veulent se différencier. Peu de consommateurs achèteront pour être contre, beaucoup plus pour. La mauvaise conscience n’aboutira jamais à une adhésion massive et durable. La qualité et l’assurance d’avoir une action bénéfique en choisissant ce produit, si.
Plus généralement, la tentation est grande de faire croire que hors son entreprise, il n’y a pas d’alternative. C’est le plus souvent faux : dans 95 % des domaines, plusieurs choix éthiques existent, et la solution parfaite existe rarement (exemple : les bananes bio et leur coût énergétique, les logiciels libres qui restent tout de même de l’informatique polluante, etc.). Et côté qualité du rapport avec les clients, quand tout est basé sur la peur ou la culpabilité, on ne bâtit rien de durable…
Crédit photo : miikkahoo, sur Flickr, image mise à disposition sous un contrat Creative Commons by-sa.