En novembre dernier, est parue sur Ekitinfo.org une analyse de la publicité réalisée par la PFCE pour la Quinzaine du commerce équitable. Nous soulignions les ressemblances avec une pub tristement célèbre de Volkswagen et nous demandions si la vidéo n’allait pas trop loin dans la caricature. L’agence Albert Gamote qui a réalisée ce film parle, elle, d’une campagne destinée aux consommateurs non avertis et ne se moquant de personne. L’interview qui suit est assez éclairante sur les processus et motivations qui ont mené à cette campagne.
Propos recueillis avec l’incommensurable aide de Guillaume d’Ekitinfo, et publiés également sur Ekitinfo.
Quelles ont été tes sources d’inspiration pour cette campagne ?
Cette campagne a fait l’objet d’un brief de la part de la PFCE. Il était question de changer l’angle de vision du Commerce Equitable pour parler à des consommateurs non avertis, sans culpabiliser ni accuser, dans un contexte un peu morose. L’inspiration pour le scénario est venue des remontées des bénévoles et des études de la PFCE, d’une étude de bonnes pratiques à l’international, et d’un brainstorming avec plusieurs réalisateurs.
Quelles sont les différences entres les pubs VW, Rainforest Alliance et celle de la PFCE ?
En communication, si on cherche des points communs, on en trouve, il est très rare de vraiment inventer quelque chose d’absolument jamais vu ; le principal est d’utiliser correctement le concept qu’on crée, de façon rentable pour la cause qu’on défend. Ici, la campagne vaut autant par le concept créatif, le film, la réalisation, l’image, les comédiens, que par l’appareil de diffusion qui a été mis en place (plus de 120 sites et blogs de diffusion, et 3 semaines de soutien sur les réseaux sociaux, sans compter les reprises papier et le dispositif Print). L’important n’était pas d’épater la galerie avec un million de vues mais de remplir notre objectif : faire changer d’avis le public sur le Commerce Equitable en réalisant une campagne bien faite, cohérente mais inattendue de la part du secteur.
On cherche à toucher des consommateurs sensibles à l’état du monde, avec des produits et des logiques s’appuyant sur une identification par des logos, en y mettant les moyens pour avoir une communication propre et qualitative, donc le résultat avait de fortes chances de ressembler entre autres à l’excellent film de Rainforest Alliance, même si aucun des créatifs qui ont travaillé sur le film de la PFCE n’avait connaissance de ce film auparavant. La ressemblance s’arrête là : le film de Rainforest Alliance dirige vers leur seul logo (la campagne de la PFCE en défend plus de 30, ce qui est bien plus difficile), il est dirigé vers l’international avec un budget beaucoup plus important, et surtout il défend un problème plus consensuel (la protection de la forêt), ce qui n’est pas le cas du Commerce Equitable qui avait déjà besoin de faire bien comprendre ce qu’était son objectif. Heureusement, les deux logiques ne sont pas du tout concurrentes et ces deux spots défendent chacun leur part sans se cannibaliser.
Quand à la publicité pour VW… C’est une bonne publicité en soi, si la nôtre y a fait penser c’est un compliment, mais encore une fois : autre sujet, autre cible, autre objectif, ça n’a rien à voir. Cette publicité se moque des consommateurs « arriérés » qui n’achètent pas VW, nous avons fait un film qui ne se moque de personne, mais montre un comportement qui n’est évidemment pas le bon, et démontre qu’acheter Commerce Equitable, évidemment ce n’est pas ça du tout, c’est beaucoup plus simple.
Quelles étaient les consignes et les objectifs de la PFCE ?
En complément de ma réponse précédente, la PFCE voulait toucher le grand public pour en changer la vision du commerce équitable, trop associé à du militantisme et pas assez à une façon de vivre meilleure et plus agréable. Mission accomplie : la campagne dans sa globalité a touché plus de 2 millions de contacts, sans aucun achat publicitaire.
Est-ce qu’il est difficile de travailler avec une entité aussi large et diversifiée que la PFCE ?
En communication, la grosse erreur est de vouloir courir plusieurs lièvres à la fois. La difficulté était principalement dans la multitude et la variété des acteurs de la PFCE : certains fabriquent et vendent des produits, d’autres pas du tout, certains défendent une distribution large, y compris en GMS, d’autres ne veulent distribuer qu’en coopératives, et plusieurs acteurs avaient même leurs propres campagnes… En bref, l’objectif de communication, les cibles et même le sujet n’était pas le même pour tout le monde. Grâce au travail extraordinaire de la PFCE pour canaliser les volontés, nous avons réussi à créer une campagne qui satisfasse tout le monde. La partie la plus difficile a probablement été de parvenir à un consensus interne sur le scénario du film.
Quel était le budget pour la campagne ?
C’est confidentiel…
Est-ce qu’on réalise une publicité de la même façon pour une entreprise de commerce équitable ou une entreprise « classique » ?
Oui, c’est important. La différence tiendrait dans le sérieux qu’on met à faire son travail d’agence pour une entreprise de commerce équitable, parce que cela va au-delà d’un simple exercice commercial, il s’agit de changer notre partie du monde. Mais ce serait dire qu’on ne travaille pas sérieusement pour nos autres clients, ce qui n’est pas le cas évidemment… Et dans le commerce équitable, il y a la notion de faire un travail de qualité au juste prix pour que client et prestataire s’y retrouvent, on y croit ou on n’y croit pas, ça ne peut pas être différent pour telle ou telle entreprise. Donc, on travaille avec engagement pour tous nos clients.
Est-ce que la fin justifie les moyens en communication ?
Non, pas du tout. Surtout pas. Si vous faites venir à vous un consommateur pour les mauvaises raisons, il repartira rapidement pour ne plus revenir. Pour une entreprise du commerce équitable, et dont c’est la principale différence avec d’éventuels concurrents, trahir ces valeurs revient à détruire son positionnement et perdre tout avantage concurrentiel.
En clair, la communication est un formidable levier de progrès, il faut l’utiliser à fond, mais cela ne veut pas dire en utilisant n’importe quel moyen ou n’importe quel discours, il faut au contraire utiliser toute la force que représentent les arguments du commerce équitable. Si on résume ça consiste simplement à bien faire notre travail non ?
Est-ce que le commerce équitable est la meilleure alternative aux problèmes évoqués dans la pub ?
Ce qu’on essaie de dire c’est que le Commerce Equitable est une très bonne alternative, structurée, simple et rassurante. La meilleure réponse est et sera toujours l’éducation et la prise de conscience de la société dans son ensemble, c’est en responsabilisant les gens qu’on fera avancer les choses. Il ne s’agit pas de dire que le Commerce Equitable est la seule alternative, c’est simplement une façon de permettre aux gens de s’y retrouver et de prendre simplement les engagements qui peuvent leur sembler compliqués à prendre d’eux-mêmes, en consommant des produits dont la responsabilité a été observée.
Comment s’appelle le chat dans la pub ?
Le chat est un acteur-chat professionnel nommé Jeannette. Pour l’anecdote, son cachet était plus élevé que celui du comédien…
Souhaites-tu ajouter quelque chose ?
Nous sommes fiers de cette campagne parce qu’elle a provoqué un mouvement, même au sein des cercles militants. L’agence a été créée pour changer le monde et parfois on y parvient un petit peu…
Crédit photo : Ken Hawkins, sur Flickr ; image mise à disposition sous un contrat Creative Commons by.
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